Policiers
mécontents : l’impasse du tout-répressif
Malgré les déclarations de Valls
apportant son entier soutien aux policiers qu’il dit comprendre et soutenir,
les manifestations se poursuivent depuis le 17 octobre. Plusieurs centaines de
policiers ont ainsi défilé dans plusieurs villes, de nuit, parfois cagoulés et
parfois avec leurs véhicules de service. De nouveaux rassemblements ont eu lieu
les 25 et 26 octobre.
Cette mobilisation partie des
fonctionnaires du rang, déclenchée après l’agression de Viry-Châtillon, a
surpris jusqu’aux syndicats de police, qui tentent d’en reprendre la direction
en proposant marches et rassemblements. Il y a visiblement une colère accumulée
face à des moyens matériels obsolètes, des missions de plus en plus lourdes et
nombreuses, l’absence de considération de la hiérarchie. De ce point de vue,
les policiers du rang ne sont pas mieux traités que le personnel des hôpitaux
ou de l’Éducation nationale, en particulier ceux qui travaillent dans les
quartiers populaires. Ils subissent eux aussi des économies budgétaires, la
course à la productivité et des pressions pour faire du chiffre coûte que
coûte.
Une de leurs fonctions étant
d’intervenir dans les quartiers meurtris par le chômage et la pauvreté, les
policiers se heurtent brutalement, comme les habitants de ces quartiers qui les
subissent au quotidien, aux conséquences de ces deux fléaux : la loi des
bandes, les trafics petits ou grands et la violence que tout cela génère. En se
déchargeant sur eux, l’État les envoie au casse-pipe, sans états d’âme.
Malheureusement, s’ils obtenaient
satisfaction à ce qu’ils revendiquent pour la plupart, cela ne résoudrait rien.
Assouplir les conditions dans lesquelles ils pourraient faire usage de leurs
armes ne ferait que multiplier les bavures. Ce serait engager une fuite en
avant qui aggraverait le cercle vicieux de la violence, à l’image de ce qui se
passe aux États-Unis. Quant à exiger encore plus de sévérité de la part de la
justice, cela augmenterait la surpopulation des prisons sans réduire la délinquance.
La violence est un effet du
pourrissement d’une société où les écarts se creusent entre une minorité de
plus en plus riche et une majorité qui s’appauvrit. Elle résulte du désespoir
face à l’avenir dans lequel est plongée une fraction croissante de la jeunesse,
sur fond de recul des organisations ouvrières et des associations de
solidarité. Alors, effectivement, les policiers risquent d’être de plus en plus
débordés si cette évolution continue.
Tant qu’on n’enrayera pas le
chômage, tant qu’on laissera des millions de personnes s’enfoncer dans la
pauvreté, c’est-à-dire tant qu’on n’enlèvera pas leur pouvoir aux capitalistes
qui suppriment des emplois, la brutalité gangrènera la société. Les
gouvernements qui se succèdent au pouvoir agissent dans le même sens en faisant
adopter des lois, comme la loi El Khomri, qui facilitent les licenciements et
aggravent l’exploitation. Et quand les travailleurs protestent, ils envoient
contre eux la police, dont la principale fonction est de maintenir cet ordre social
injuste.
Le gouvernement veut se montrer
bienveillant à l’égard des policiers qui manifestent sans autorisation et avec
leurs véhicules, et reconnaît que leurs revendications sont légitimes. Il a en
effet trop besoin d’eux quand ce sont les travailleurs qui défendent leurs
emplois ou leurs conditions de travail. Il veut alors que la police et la
justice se montrent impitoyables. Mais c’est cela aussi qui alimente
l’impopularité dont les policiers se plaignent. Pour en sortir, c’est bien
cette société du tout-sécuritaire qu’il faut remettre en cause. Y aura-t-il des policiers pour avoir cette conscience ?
Xavier
LACHAU (Lutte ouvrière n°2517)
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