Ci-dessous, l'article de notre hebdomadaire Lutte Ouvrière de cette semaine à paraître.
Pour notre part, nous étions en terminale en 1969-70. Le samedi soir, je faisons mon tour au Quartier latin. Il y avait la visite obligatoire à la Joie de lire. Nous descendions au sous-sol d'une des deux librairies qui se faisaient face. Dans ce sous-sol, la myriade des titres des petits journaux de l'extrême-gauche luxuriante de cet Après-Mai 68 nous éblouissait. C'est là où nous découvrîmes Maspéro. DM
François
Maspéro : éditeur contre le colonialisme
François Maspéro, mort le 11
avril, à 83 ans, restera pour beaucoup celui qui, en pleine guerre d’Algérie,
osa publier une série de livres dénonçant l’action du colonialisme français.
Né en
1932, il avait ouvert en 1955 une librairie, L’Escalier, à Paris 5e, où il fit
ses premières armes. La même année, il adhéra au PCF qu’il quitta, comme
beaucoup d’autres, à la fin de l’année 1956, après que ce parti eut soutenu la
politique colonialiste du « socialiste » Guy Mollet et après l’écrasement de
l’insurrection hongroise par les chars de Moscou. En 1957, sa librairie
déménagea rue Saint-Séverin, à l’enseigne de La Joie de lire. Jusqu’en
1976, sa librairie allait rester un centre enrichissant pour les militants de
cette période qui y trouvaient livres et informations sur les luttes dans le
monde entier.
Maspéro
se lança dans l’édition à partir de 1959, pour dénoncer les guerres coloniales
de l’impérialisme français. Il lança la collection Cahiers libres contre
la guerre d’Algérie, mais aussi ses retombées, avec les Ratonnades à Paris
de Paulette Péju, publié alors anonymement. Il publia ainsi 1 350 titres, dont
beaucoup restent des références, ce qu’il appelait modestement « du bon et
du moins bon », en revendiquant un droit à l’erreur.
En 1961,
il lança la revue Partisans, dont plusieurs numéros furent saisis, parce
qu’on y dénonçait la guerre d’Algérie. Il publia par la suite Tricontinental
et L’Alternative sur les pays de l’Est européen. Plusieurs de ses livres
furent également interdits, comme celui de Mongo Beti dénonçant la Main
basse sur le Cameroun de l’impérialisme français. Au total, il écopa de
plusieurs plasticages de l’extrême droite, de 17 condamnations, de multiples
amendes et de trois mois de prison qu’il ne fit pas, grâce à l’amnistie qui
suivit le décès de Georges Pompidou.
Après Mai 68, Maspéro rejoignit
la Ligue Communiste, ancêtre du NPA, à qui il ouvrit des collections. Sa
collaboration nous fut aussi précieuse pour la mise en place de la librairie de
la fête de Lutte Ouvrière. Mais le reflux militant amena des difficultés
financières découlant des amendes coûteuses et de vols d’une frange de sa
clientèle. Après une dépression en 1973 et la fermeture de la librairie en
1975, l’éditeur jeta l’éponge en 1982. À sa maison d’édition succéda La
Découverte.
On doit
encore à Maspéro, comme auteur, plusieurs livres dont L’Honneur de
Saint-Arnaud qui dénonce la barbarie de la conquête coloniale de l’Algérie.
Tous ceux
qui ont rejoint la vie militante dans les années soixante et soixante-dix
savent ce qu’ils doivent à « Maspé ».
J.F.
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