jeudi 16 avril 2015

François Maspéro : la mort d'un éditeur contre le colonialisme.



Ci-dessous, l'article de notre hebdomadaire Lutte Ouvrière de cette semaine à paraître.
      Pour notre part, nous étions en terminale en 1969-70. Le samedi soir, je faisons mon tour au Quartier latin. Il y avait la visite obligatoire à la Joie de lire. Nous descendions au sous-sol d'une des deux librairies qui se faisaient face. Dans ce sous-sol, la myriade des titres des petits journaux de l'extrême-gauche luxuriante de cet Après-Mai 68 nous éblouissait. C'est là où nous découvrîmes Maspéro. DM




François Maspéro : éditeur contre le colonialisme

François Maspéro, mort le 11 avril, à 83 ans, restera pour beaucoup celui qui, en pleine guerre d’Algérie, osa publier une série de livres dénonçant l’action du colonialisme français.
Né en 1932, il avait ouvert en 1955 une librairie, L’Escalier, à Paris 5e, où il fit ses premières armes. La même année, il adhéra au PCF qu’il quitta, comme beaucoup d’autres, à la fin de l’année 1956, après que ce parti eut soutenu la politique colonialiste du « socialiste » Guy Mollet et après l’écrasement de l’insurrection hongroise par les chars de Moscou. En 1957, sa librairie déménagea rue Saint-Séverin, à l’enseigne de La Joie de lire. Jusqu’en 1976, sa librairie allait rester un centre enrichissant pour les militants de cette période qui y trouvaient livres et informations sur les luttes dans le monde entier.
Maspéro se lança dans l’édition à partir de 1959, pour dénoncer les guerres coloniales de l’impérialisme français. Il lança la collection Cahiers libres contre la guerre d’Algérie, mais aussi ses retombées, avec les Ratonnades à Paris de Paulette Péju, publié alors anonymement. Il publia ainsi 1 350 titres, dont beaucoup restent des références, ce qu’il appelait modestement « du bon et du moins bon », en revendiquant un droit à l’erreur.
En 1961, il lança la revue Partisans, dont plusieurs numéros furent saisis, parce qu’on y dénonçait la guerre d’Algérie. Il publia par la suite Tricontinental et L’Alternative sur les pays de l’Est européen. Plusieurs de ses livres furent également interdits, comme celui de Mongo Beti dénonçant la Main basse sur le Cameroun de l’impérialisme français. Au total, il écopa de plusieurs plasticages de l’extrême droite, de 17 condamnations, de multiples amendes et de trois mois de prison qu’il ne fit pas, grâce à l’amnistie qui suivit le décès de Georges Pompidou.
Après Mai 68, Maspéro rejoignit la Ligue Communiste, ancêtre du NPA, à qui il ouvrit des collections. Sa collaboration nous fut aussi précieuse pour la mise en place de la librairie de la fête de Lutte Ouvrière. Mais le reflux militant amena des difficultés financières découlant des amendes coûteuses et de vols d’une frange de sa clientèle. Après une dépression en 1973 et la fermeture de la librairie en 1975, l’éditeur jeta l’éponge en 1982. À sa maison d’édition succéda La Découverte.
On doit encore à Maspéro, comme auteur, plusieurs livres dont L’Honneur de Saint-Arnaud qui dénonce la barbarie de la conquête coloniale de l’Algérie.
Tous ceux qui ont rejoint la vie militante dans les années soixante et soixante-dix savent ce qu’ils doivent à « Maspé ».
                                                                               J.F.

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