Rumeur contre l'école : La
réaction à l'œuvre
Jeudi 23 janvier, de nombreux instituteurs ont eu la
surprise d'entendre des parents d'élèves leur demander s'ils allaient
réellement faire des cours d'éducation sexuelle à leurs enfants, leur vanter
l'homosexualité, leur expliquer que les garçons pouvaient se transformer en
fille et réciproquement, et bien d'autres stupidités du même genre. Des parents
ont même menacé de ne pas envoyer leurs enfants en classe, et lundi
27 janvier, dans un certain nombre d'établissements, des enfants étaient
en effet absents, les parents ayant répondu à un appel relayé par Internet et
Tweeter.
L'affaire a
pris suffisamment d'ampleur pour que le ministre Peillon, les inspecteurs et
les syndicats d'enseignants interviennent pour répéter l'évidence : l'école
maternelle et primaire se borne à expérimenter des méthodes pour éduquer les
enfants à l'égalité fille-garçon. Ce qui est une excellente chose.
La rumeur,
mensongère au départ, délirante au fil de sa diffusion, a été lancée par une
militante d'extrême droite, Farida Belghoul. Elle est proche du démagogue
réactionnaire Alain Soral et soutenue par Béatrice Bourges, l'égérie de la
lutte contre le mariage pour tous, elle-même catholique intégriste. Cette
rumeur, fortement marquée idéologiquement, a été relayée par des religieux,
chrétiens ou musulmans. Au-delà du prétexte, dénué de sens, d'un enseignement
de l'homosexualité aux enfants, c'est en fait l'école elle-même qui est visée,
c'est-à-dire le fait que les enfants soient éduqués aussi par la collectivité,
et non pas par leurs seuls parents dans le but de préserver des préjugés et des
traditions surannées. Des tracts de cette mouvance réactionnaire affirment que
les parents, et non l'État, sont seuls responsables de l'éducation des enfants.
C'est stupide : comment les parents pourraient-ils enseigner aux enfants ce
qu'ils ignorent parfois eux-mêmes ?
L'ampleur,
difficile à évaluer, prise par cette rumeur révèle un profond désarroi et une
évolution inquiétante car elle touche même des familles populaires, posant
entre ces dernières et les courants les plus réactionnaires un pont qui ne peut
qu'accroître l'influence des idées de l'extrême droite.
La
concordance entre un tel phénomène et une manifestation d'extrême droite dans
les rues de Paris n'est d'ailleurs pas fortuite. Elle survient après des mois
et des années de propagande réactionnaire, religieuse, nationaliste,
individualiste, propatronale distillée par tous les partis de gouvernement et
certains médias. Quand on vide le cerveau des gens avec une telle constance
pour le remplir avec des idées aussi crasseuses, il ne faut pas s'étonner qu'il
puisse accepter pareils bobards.
Mais les cris
d'orfraie poussés par des ministres, des journalistes et autres sociologues,
qui s'offusquent des bêtises gobées, sont plus répugnants encore. Car ces
moralistes sont aux commandes de la société, ce sont eux qui mentent jour après
jour, qui baptisent justice leur monde d'injustice et démocratie la dictature
du grand patronat.
Mais surtout,
si de telles idées qui révèlent toutes sortes de replis, nationales, religieux,
communautaire, peuvent prospérer, c'est qu'elles ont de l'espace devant elles.
Dans le vide politique créé par la démoralisation des travailleurs, dans le
silence désespéré de ceux qui se sentent écrasés par la crise, dans l'ambiance
pourrie où Hollande poursuit la politique de Sarkozy, il suffit d'un rien pour
que viennent crever en surface les idées les plus nauséabondes.
Alors, il est
plus que temps que le mouvement ouvrier renoue avec ses traditions de lutte et
d'espoir. C'est par sa propre force, par son combat et son organisation que la
classe ouvrière peut redonner foi en l'avenir, en la science et en la
connaissance, et croire au progrès humain. C'est ainsi que pourrait être
combattu l'obscurantisme sur lequel s'appuient tous les réactionnaires.
Paul GALOIS
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