RDC :
bandes armées et profits
Publié le 29/01/2025
Le 27 janvier, après trois ans de
guerre, les combattants du groupe armé M23 soutenus par l’armée rwandaise se
sont emparés de Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu, en République
démocratique du Congo (RDC).
Pour le plus grand malheur de la
population, les minéraux rares dont regorge le sous-sol de la région ont
toujours attisé l’appétit d’une nuée de groupes armés et, derrière eux, des
entreprises capitalistes dont ils sont les fournisseurs.
Les combats entre l’armée
congolaise et le M23 appuyé par l’armée rwandaise ont commencé en 2021 et ont
ravagé toute la région du Nord et du Sud-Kivu. Dans ces affrontements, l’armée
congolaise et ses auxiliaires locaux, les milices wazalendo, ont traité la
population avec la même sauvagerie que le M23. Plus de quatre millions
d’habitants, dont beaucoup d’enfants, ont dû tout abandonner pour se réfugier
dans des camps improvisés, avant d’être à nouveau rattrapés par la guerre.
Beaucoup, qui avaient trouvé refuge autour de Goma, ont été obligés de s’enfuir
en catastrophe pour s’abriter à l’intérieur de la ville. Goma comptait déjà
avant cet exode un million d’habitants. Plusieurs centaines de milliers
d’autres, peut-être un million, les ont rejoints et se sont retrouvés pris
entre les deux armées, obligés de se terrer dans une ville sans alimentation et
dont les hôpitaux étaient débordés.
La terreur a commencé au Kivu
bien avant ces trois dernières années. En fait, dans cette région, un homme de
40 ans n’a jamais connu la paix. Il a toujours tremblé à l’idée de voir des
hommes en armes surgir de la forêt pour le rançonner, violer femmes et enfants,
l’abattre ou le torturer. C’est la France de Mitterrand, alors président, qui a
été à l’origine de l’ancêtre du M23 en 1994, quand l’armée française a été
envoyée au Rwanda. Elle devait tenter d’arrêter les soldats du Front
patriotique rwandais (FPR) victorieux du régime génocidaire des extrémistes
hutus soutenus par la France.
Incapables d’y parvenir, les
militaires français ont protégé la fuite de tous ces nervis au Zaïre voisin,
comme se nommait alors l’actuelle République démocratique du Congo. Des
officiers français ont raconté depuis comment on leur avait demandé d’ignorer
le contenu des conteneurs chargés d’armes. Arrivés au Zaïre, les anciens génocidaires
eurent ainsi les moyens de faire régner la terreur parmi les populations
locales. Ils participèrent aux deux guerres qui ont ravagé tout le pays de 1996
à 2003 et furent intégrés à l’armée congolaise dans les accords de paix pour
finalement se mutiner en 2012 et fonder le M23.
Ce mouvement n’est cependant
qu’une des nombreuses bandes armées qui se disputent le contrôle de la région
et des minéraux qu’elle abrite. Aujourd’hui, le soutien de l’armée rwandaise,
de ses forces spéciales, de son armement moderne, lui permet de prendre le
dessus sur une armée congolaise en pleine déliquescence. Le M23 a sans aucun
doute réussi à faire passer sous sa coupe et sous celle du Rwanda les groupes
armés plus ou moins importants qui contrôlent les gisements, car tel est
l’enjeu. Le principal minerai présent au Kivu est le coltan, indispensable à la
fabrication des téléphones portables et des alliages spéciaux utilisés dans
l’aéronautique civile et militaire. Une mine du Nord-Kivu située à 40 km
de Goma produit à elle seule 15 % de la production mondiale. Dans de telles
mines qualifiées d’artisanales, des creuseurs arrachent le minerai du sol sous
la menace d’hommes armés. Le minerai prend ensuite le chemin des pays africains
voisins, Rwanda et Ouganda, où il est transformé sous label local et vendu à
des trusts comme Apple.
Il est souvent question dans les
journaux et les livres de la « malédiction des minerais de sang ». Mais
la seule malédiction, c’est celle de l’impérialisme et de sa domination.
Daniel Mescla (Lutte ouvrière
n°2948)