Comme
vous le savez, nous n’avons pas pu tenir le Cercle Léon Trotsky qui devait
aborder, un siècle après le Congrès de Tours de décembre 1920, la naissance du
parti communiste en France. Le texte de cet exposé est néanmoins disponible sur
notre site lutte-ouvrière.org. Nous vous le proposons à partir d’aujourd’hui en
feuilleton sur notre blog « lo argenteuil »
La « bolchevisation » et le
stalinisme
La « bolchevisation » du parti
Cette bureaucratisation fut
facilitée par la faible culture politique de beaucoup de militants du parti et
leur ignorance de l’enjeu des luttes à la direction de l’Internationale. Elle
le fut d’autant plus que ces méthodes bureaucratiques se mettaient en place au
nom d’objectifs indispensables qui avaient l’assentiment des militants : réorienter la vie du parti et ses activités en direction des ouvriers et des usines.
Cette réorganisation, qui avait commencé depuis quelques mois, fut accélérée sous le nom de « bolchevisation » du parti.
Pour rompre avec l’organisation
en sections basées le plus souvent sur les circonscriptions électorales, les
militants furent organisés dans des cellules centrées sur les usines. C’était
une façon d’orienter l’activité de tous vers le travail d’agitation en
direction des ouvriers, de suivre l’activité syndicale des militants, de partir
des préoccupations politiques des travailleurs. Les militants non ouvriers,
assez nombreux, furent rattachés à des cellules d’entreprises. Certains
résistèrent parce que c’était un engagement conséquent et qu’ils restaient des
bavards sociaux-démocrates. L’opposition approuvait sur le fond cette
réorganisation, estimant que « la cellule doit être la délégation du parti dans l’atelier ». Mais elle dénonçait la façon
bureaucratique dont elle fut effectuée, avec « des
cellules souvent réduites à un effectif minime [qui] manquaient de vie
intérieure et par conséquent d’initiative
créatrice », selon les mots de Loriot. La « bolchevisation » fut un prétexte
pour écarter les partisans de l’opposition et promouvoir de jeunes militants,
en particulier ouvriers. Comme le dénonçaient 250 militants en octobre 1925
dans une lettre à l’exécutif de l’Internationale : « Tel ou tel jeune militant, lesté d’un léger bagage de lieux communs, est brusquement
investi de la toute-puissance. Il tranche les questions les plus délicates et
juge sommairement des hommes et des choses[9]».
Le choix légitime et utile de
faire confiance à des jeunes militants ouvriers, révoltés par l’exploitation,
déterminés et engagés dans une période où la répression s’abattait, servit de
couverture pour écarter les oppositionnels. Ceux qui protestaient contre les
méthodes de Treint étaient taxés « d’intellectuels droitiers qui pactisent avec
les ennemis de l’Internationale » contre lesquels il fallait mener « une lutte implacable[10]». En quelques mois, tous ceux qui
refusèrent ces méthodes furent exclus ou découragés. Parmi les fondateurs du
parti qui avaient mené la lutte contre les opportunistes venus de la SFIO, la
plupart étaient hors du parti après 1926. Par contre Cachin resta ! À ses côtés, Monmousseau et Sémard, anciens syndicalistes révolutionnaires, Duclos, « né de la guerre », Thorez et Doriot, issus des Jeunesses
communistes, formèrent
progressivement la direction visible du Parti communiste. Mais c’était une direction avant tout dévouée à la bureaucratie soviétique.
Extrait de la tribune du 25 mars
1925, signée par Loriot dans les Cahiers du bolchevisme, au nom d’un groupe
d’oppositionnels.
[9] Extrait de la
tribune du 25 mars 1925, signée par Loriot dans les Cahiers du bolchevisme, au
nom d’un groupe d’oppositionnels.
[10]
Résolution du CC des 1er et 2 décembre 1925, publiée dans l’Humanité du 6
décembre 1925
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(Demain
: La
« bolchevisation » et le stalinisme, Un langage
encore révolutionnaire)