Retraites
: hésitations gouvernementales
13 Novembre 2019
Redoutant une mobilisation
massive à partir du 5 décembre, le gouvernement et ses porte-parole multiplient
les paroles doucereuses pour tenter de désamorcer la colère populaire. En même
temps, pour satisfaire leur électorat avide de fermeté contre les travailleurs,
ils répètent qu’ils ont une totale détermination à réformer jusqu’au bout.
Gouverner, c’est mentir aux
travailleurs et pratiquer le double langage. En inventant la clause du
grand-père, qui prétend réserver la réforme aux seuls nouveaux embauchés, et en
promettant de reporter aux calendes grecques la mise en œuvre de leur réforme
des retraites, Macron et Philippe montrent qu’ils craignent le mouvement qui se
prépare pour le 5 décembre. Comme l’exprimait un éditorialiste du journal Les
Échos, « ils s’activent pour éteindre tous les départs de
feu » et font tout « pour éviter que les luttes
convergent ».
Après avoir réprimé à coups de
canons à eau une manifestation des pompiers en colère, le gouvernement a
délégué Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, pour
les rassurer en affirmant qu’ils conserveront leur spécificité. À la veille de
la journée de mobilisation dans les hôpitaux, Agnès Buzyn, ministre de la
Santé, a promis une nouvelle enveloppe de plusieurs milliards pour verser des
primes au personnel. Jean-Louis Touraine, médecin et député LREM, l’a appuyée :
« Si cela n’est pas fait, le risque est que cela puisse dégénérer. »
Mais le naturel revient au galop
et les pompiers de circonstance sont aussi des pyromanes. La porte-parole du
gouvernement répète que celui-ci ira jusqu’au bout de la réforme. Interviewé le
7 novembre par le journal Le Parisien, Delevoye a affirmé qu’il ne
tergiversera pas avec les objectifs et que ceux qui sont favorisés par le
système actuel devraient accepter des efforts. Il refuse, claironne-t-il,
d’actionner la clause du grand-père pour les régimes spéciaux de la RATP ou de
la SNCF. Il tente de dresser les travailleurs du privé contre ceux des
transports publics, qu’il présente, après tant d’autres, comme des privilégiés.
Mais Delevoye s’est aussitôt fait recadrer par Philippe, qui répète que rien
n’est tranché.
Cette valse-hésitation des
macronistes ne résulte pas seulement des petits calculs que font les uns et les
autres pour séduire telle ou telle fraction plus ou moins réactionnaire de
l’électorat. Elle résulte des contradictions profondes de ce gouvernement, qui
doit démolir coûte que coûte les droits des travailleurs pour livrer à la
grande bourgeoisie les capitaux jusque-là consacrés aux hôpitaux, aux écoles ou
aux transports publics, tout en évitant de provoquer une révolte sociale. L’art
est difficile et les dirigeants politiques bourgeois s’y discréditent les uns
après les autres, quand ils accèdent au pouvoir.
Puisque Macron et sa bande sont
dans l’embarras, c’est le moment pour les travailleurs de montrer leur force et
d’utiliser leur poids vital dans l’économie pour défendre leurs intérêts.
Xavier
LACHAU (Lutte ouvrière n°2676)