Un tel décalage entre les proclamations et la réalité
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Michel Campagnac, conseiller municipal LO de Bezons, CGT-Éducation |
La
réunion tenue sur la loi Blanquer lundi soir à l’espace Nelson Mandela était
très instructive sur l’écart entre la réalité de l’Éducation nationale et le
discours complètement décalé des deux députées LERM présentes. Ce décalage a
été mis en valeur par les intervenants, en particulier par ceux qui vivent
cette réalité de l’intérieur dans les établissements, ou encore par le
représentant de la FCPE-95 présent.
C’est l’intervention de ce
dernier que nous publions ci-dessous
« Bonjour, je me présente, Philippe Renou, 4 enfants, parent d’élève de
la fcpe.
Je
suis élu fcpe sur Eaubonne, au lycée, qui s’est mobilisé depuis l’annonce de la
chute des moyens pour l’an prochain dans ce lycée. J’en parle maintenant, et
j’y reviendrai plus tard, mais lors de la mobilisation des enseignants et des
parents de ce lycée, en avril nous sommes allé devant le lycée Buisson un lundi
matin, car il y avait le directeur académique, la rectrice, un sous-ministre
(celui qui veut refaire le service militaire) et vous Mme Rilhac. Et j’en parle
car parmi les professeurs qui manifestaient, il y avait une de vos amies, qui a
essayé de vous contacter, à qui vous avez répondu « attends je te
rappelle »… 2 mois plus tard, on attend toujours. Oh, vous n’êtes pas la
seule, une autre enseignante de notre lycée a contacté la député d’Eaubonne,
Mme Moutchou, elles étaient à l’école ensemble quand elles étaient enfants.
Cette députée aussi a promis de nous aider. D’elle aussi on est sans nouvelles
depuis…
Je
suis aussi élu à la fcpe du Val d’Oise. Comme vous l’avez été Mme Rilhac. Vous
ne l’avez pas été longtemps, il y a beaucoup de boulot à faire à la fcpe95, et
quand vous êtes partie, d’autres bénévoles, ne cherchant ni honneur ni gloire,
ont fait le boulot, avec persévérance, pour aider les familles à s’y retrouver
dans le maquis administratif de l’éducation nationale. A s’y retrouver dans les
réformes.
Car
parlons-en des réformes dans l’école. Sans arrêt des réformes. Tous les ans une
réforme, pour ceci, pour cela, dans un sens, dans un sens contradictoire. Marre
des réformes, les parents sont largués, les profs sont fatigués. Marre des
réformes, jusque-là !
Car
ces réformes ont en réalité toujours le même objectif : économiser sur
l’éducation nationale, comme cela se fait sur les autres services publics. Tous
les ministres ont la même feuille de route : économiser des milliards
d’euros, pour que cet argent soit utilisé ailleurs, essentiellement à
« aider les entreprises », les pauvres…
En
général, les gouvernements cherchent à habiller ces économies en les présentant
sous un jour flatteur. Et ce qui est terrible dans cette loi Blanquer, ce sont
les enrobages qui ont été volés dans les revendications de la fcpe, mais
complètement détournées de leurs objectifs.
La
scolarisation des tout-petits est un combat de toujours de la fcpe. Et vous
vous servez de cet argument non pas pour étendre la scolarisation aux moins de
3 ans comme nous le réclamons dans les quartiers populaires, mais vous rendez
simplement obligatoire ce qui existait déjà largement (la scolarité à partir de
3 ans) avec comme principale conséquence de financer l’école privée encore
plus !
Sur
la réforme du lycée général, cela fait aussi longtemps que la fcpe se bat
contre le « bachotage » intensif de fin de terminale. Alors vous
introduisez une toute petite dose de contrôle continu, vous créez du bachotage
permanent pendant les 2 années de première et de terminale (les
« E3C »), et vous faites croire que c’est mieux. Surtout, la fcpe se
bat depuis longtemps pour que les élèves puissent mieux choisir les
enseignements. Alors vous inventez les spécialités, séduisantes sur le papier,
mais comme « et en même temps » vous supprimez des milliers de postes
dans le second degré, le choix des spécialités sera plus lié aux contraintes
budgétaires des lycées qu’aux compétences et appétences des élèves. Et auront
comme réelle et unique conséquence de remplir toutes les classes à 35 voire
plus. C’est ignoble, excusez mon vocabulaire, de détourner les revendications
des parents d’élèves pour faire passer vos mesures.
En
ce moment même, parce que les conseils de classe de seconde sont en train de se
dérouler, mon téléphone est rempli de messages de parents inquiets, furieux,
désespérés par ce qui se passe concrètement à propos de ces choix de
spécialités. Dans certains lycées (par exemple herblay, sarcelles…) cela tourne
à la farce tragique, la circulaire de début d’année organisant le choix des
spécialités est foulée aux pieds, des élèves sont convoqués dans le bureau du
proviseur pour changer de spécialités, d’autres sont massivement orientés dans
des filières qui ne leurs correspondent pas. C’est une honte.
En
lycée pro par contre, pas besoin d’habillage pour supprimer des heures :
la culture générale est sabrée, sans complexe. Vous comptez sur le fait que ces
élèves et surtout leurs parents ne suivent pas de près le fonctionnement de
l’éducation nationale. Mais la culture n’est pas réservée aux élites
bourgeoises ! Les jeunes des quartiers populaires aussi ont droit aux
matières générales. Evidemment, avec 25% de chômeurs chez ces jeunes, le
patronat ne voit pas pourquoi dépenser pour leur éducation. Et votre gouvernement
exécute.
Alors
voilà la situation réelle, pas celle de vos fiches, ou des éléments de langage
que l’on vous apprend à manier. Une situation désastreuse, une jeunesse
dégoûtée, et un avenir bien sombre. Car c’est toute la société qui payera le
prix de vos restrictions budgétaires.
Sur
le terrain, la fcpe continuera d’aider les familles à s’y retrouver, à les
conseiller, à les accompagner. C’est dur, mais nous, on n’abandonnera pas. »
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Quelque peu dubitatives... (Photos Daniel Hommeau) |