La « mémoire » du camp des exploités
C’est Liliane qui a lancé le
débat. Pourquoi parler d’un « devoir de mémoire » auquel il est de
mode de faire référence ?
Effectivement,
il faut cultiver le souvenir du passé. Mais cette exigence n’échappe pas à la
nature de la société qui est d’opposer des exploiteurs et des exploités. Chaque
camp cultive sa propre mémoire, celle d’un passé qui guide son camp, à travers
la mémoire de ses héros. Pour la classe dominante, il s’agit également d’enfumer
le camp des exploités. On le voit ces dernières années avec les commémorations
autour du centenaire de la Première guerre mondiale qui en restent largement
autour du souvenir de soldats « morts pour la France ».
Pour
le camp des prolétaires, l’exigence de mémoire est d’une toute autre
importance. La mémoire de l’horreur de ce à quoi peut conduire l’exploitation
doit stimuler l’engagement de tous, et la liste en est longue.
Pour
les prolétaires, la mémoire est une nécessité fondamentale que le parti ouvrier
doit cultiver continuellement. Le souvenir de ce que leurs adversaires sont
capables de faire, des caméléons et prestidigitateurs de la bourgeoisie qui
sont capables de revenir endormir à nouveau les travailleurs en leur faisant
croire que leur nouvelle chemise est enfin pour eux la bonne.
C’est
ce que Blanqui, réfugié à Londres en 1849 après l’écrasement de l’insurrection
parisienne de juin tentait de dire aux travailleurs : se rappeler, se
souvenir, ne pas oublier, pour avoir en tête à jamais les leçons nécessaires. A défaut :
« Mais, pour les prolétaires qui se laissent
amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d'arbres
de la liberté, par des phrases sonores d'avocat, il y aura de l'eau bénite
d'abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours ».