Dans la nuit du 2 aux 3 novembre, les locaux deCharlie Hebdo ont été incendiés, vraisemblablement par des islamistes qui n'appréciaient pas que le journal sorte un numéro caricaturant Mahomet et ironisant sur la charia, c'est-à-dire la loi islamique. D'autres fondamentalistes, catholiques cette fois, ont systématiquement tenté d'empêcher les représentations au Théâtre de la Ville à Paris, et maintenant en province, d'une pièce qu'ils jugent offensante envers leur dieu.
Au nom de ces dieux, différents quand ils ne sont pas opposés l'un à l'autre, que les hommes ont inventés, et des codes moraux d'un autre âge qui vont avec, des fanatiques s'arrogent le droit d'interdire par la violence la liberté d'expression et veulent faire prévaloir leurs doctrines. À les entendre, se moquer de leurs dieux ou de leurs prophètes serait un blasphème et, à ce titre, les auteurs de ces critiques devraient être au mieux muselés, pour ne pas dire crucifiés.
Ces actes ont été à juste titre unanimement condamnés, y compris par des autorités religieuses, mais il n'en reste pas moins qu'il existe un consensus autour de l'idée qu'on peut se moquer de tout sauf de la religion. Ce n'est pas dit aussi crûment, certes, c'est masqué derrière les discours proclamant la liberté de croyance.
Bien que la France ne soit plus « la fille aînée de l'Église », comme elle le fut pendant des siècles depuis le règne de Pépin le Bref, comme l'affirment certaines encyclopédies, la référence à la religion est omniprésente dans les institutions. Le ministre de l'Intérieur est aussi ministre des Cultes. On voit régulièrement des dirigeants politiques, et le président de la République, assister à une messe à Notre-Dame de Paris, Sarkozy a été nommé chanoine honoraire du Latran par Benoît XVI. Chaque dimanche, la messe est diffusée sur une chaîne de télévision publique. Et les manuels scolaires, qui étudient l'histoire des religions, glissent sur l'évolution des idées qui ont amené des penseurs à lutter contre l'ignorance et l'obscurantisme, et qui rejetaient l'existence d'un dieu qui tirerait les ficelles et forgerait le destin de l'humanité. Par contre, la place faite aux athées, aux libres-penseurs qui combattent ce que Marx appelait « l'opium du peuple », est pour ainsi dire inexistante.
Les auteurs de ces atteintes à la liberté d'expression ne sont qu'une poignée d'illuminés fanatiques. Mais leur violence trouve un fond dans la propagation des idées réactionnaires, et plus particulièrement celles qui reposent sur la religion.
On peut être totalement pour la liberté de conscience, et nous le sommes sans réserve, sans se prosterner devant ce caractère prétendument sacré de la religion, ou même du sentiment religieux.
Marianne LAMIRAL