Montée de l’extrême droite : les responsabilités de la gauche
Publié le 19/06/2024
L’alliance électorale du Nouveau Front populaire (NFP) se présente comme l’antidote contre le RN. C’est oublier que, depuis quarante ans, la montée de l’extrême droite s’est nourrie des trahisons de la gauche au pouvoir.
Aux élections législatives de 1981, le Front national (FN) obtenait un score de 0,18 %. Son leader, Jean-Marie Le Pen, n’avait pas réussi à se présenter à la présidentielle. À peine cinq ans de gouvernement de gauche plus tard, le FN était monté à 9,65 %, et s’installait durablement dans le paysage politique. Le lien est profond car les Mitterrand, les Marchais, ainsi que les principaux dirigeants syndicaux avaient passé des années à faire croire aux travailleurs que l’alternative électorale allait « changer la vie », selon un de leurs slogans des années 1970. Pour cela, Mitterrand avait même parlé dans ses discours de rupture avec le capitalisme.
Après l’élection de Mitterrand, les espoirs de millions de travailleurs se transformèrent en stupeur. Pendant que des centaines d’usines fermaient, les banquiers pouvaient continuer à s’enrichir. Des milliers de militants du Parti communiste, du Parti socialiste, de la CGT, qui animaient la vie politique et les organisations ouvrières cessèrent progressivement de le faire, se contentant de dire qu’il fallait faire confiance au gouvernement. Si on ajoute la propagande patriotique dont le PCF s’était fait le champion, le terrain était préparé pour les idées agitées par l’extrême droite.
Si les dirigeants des partis de gauche avaient été réellement déterminés à lutter contre l’influence de l’extrême droite, ils auraient dû reconnaître leurs responsabilités dans sa montée spectaculaire. Il n’en fut jamais question. En 1997, après une dissolution de l’Assemblée nationale par Chirac, la « gauche plurielle » se présenta comme particulièrement unitaire, allant du centre au PCF. Mélenchon était de la partie. À nouveau, face à la pauvreté et aux fermetures d’usines, il fut question de promesses, mais en aucun cas d’inciter les travailleurs à se fier à leurs propres forces et à leur organisation. Une fois au gouvernement, Lionel Jospin et ses ministres accompagnèrent les fermetures d’entreprises et en privatisèrent plus que tous les gouvernements de droite ne l’avaient fait avant eux. La loi des 35 heures se révéla une duperie du fait des contreparties données au patronat. Le fruit de cette politique fut, en 2002, l’accès de Le Pen pour la première fois au second tour de l’élection présidentielle.
Il fallut ensuite tout le mépris manifesté par Chirac et Sarkozy durant leurs mandats pour amener Hollande et son gouvernement au pouvoir en 2012. Peu de travailleurs croyaient sérieusement au « changement » qu’ils promettaient. Et en effet, Hollande mit peu de temps à montrer à nouveau à quel point il s’était moqué d’eux, en promulguant, entre autres, son emblématique loi Travail. Un de ses Premiers ministres, Manuel Valls, se rendit célèbre pour ses sorties à la limite du racisme.
Dans le programme du NFP, le terme « rupture » est désormais préféré à « changement », mais Hollande, comme un symbole, a tenu à être un de ses candidats et à s’inscrire dans sa démarche, et Jospin à la soutenir. On continue de creuser le même sillon.
Thomas Baumer (Lutte ouvrière n°2916)
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