Grande-Bretagne
: vive les grèves !
28 Décembre 2022
La vague de grèves sur les
salaires, initiée par les cheminots britanniques au printemps et renforcée par
de nouvelles catégories de travailleurs cet automne, est montée en puissance en
décembre, avec plus d’un million de grévistes dans le public comme dans le
privé.
La grève des infirmières, les 15
et 20 décembre, a été spécialement remarquée et soutenue par la population.
Applaudies pour leur dévouement pendant la crise du Covid mais toujours
sous-payées, elles revendiquent 19 % d’augmentation pour rattraper le
retard pris sur l’inflation depuis dix ans. Elles exigent aussi une
amélioration de leurs conditions de travail, alors que le système de santé (le
NHS) se délabre, avec 50 000 postes vacants, 25 000 lits fermés en
douze ans, et des millions d’interventions médicales en attente.
Jusqu’à il y a peu, des
infirmières se disaient qu’elles ne pouvaient pas se permettre de faire grève.
Mais ce qui se dit sur les piquets de grève est désormais l’inverse : à la
fois pour leur compte en banque et pour le bien-être des patients, une majorité
ont compris qu’elles ne peuvent pas se permettre de ne pas faire grève !
Face à cette contestation, le
gouvernement prétend qu’il ne dispose pas des 9 milliards de livres nécessaires
pour satisfaire les revendications des infirmières, ni des 28 milliards
nécessaires pour satisfaire celles de l’ensemble des fonctionnaires. Comme si
les gouvernements n’avaient pas su trouver 400 milliards lors de la récession
de 2008, puis autant pendant la pandémie pour voler à la rescousse des
capitalistes ! Le mépris du ministre de la Santé est patent : il n’a
accepté de rencontrer la leader de leur syndicat, le RCN, que pour lui annoncer
qu’il refusait de parler salaires. De quoi consolider l’appui populaire aux
infirmières qui, en Angleterre, ont déjà revoté la grève pour les 18 et 19
janvier.
Dans le transport et les services
postaux aussi, les nombreuses journées de grève programmées fin décembre ont
été suivies par des dizaines de milliers de travailleurs. Car dans les chemins
de fer comme dans la distribution du courrier, non seulement les patrons
affichent des bénéfices confortables mais ils conditionnent toute augmentation
de salaire à des réorganisations synonymes de suppressions d’emplois et
d’exploitation accrue. Le succès des mouvements récents, en dépit de la
campagne de dénigrement à leur encontre, montre que ce chantage ne passe pas.
Des chauffeurs de bus à la police
des frontières, les catégories de travailleurs en grève ces dernières semaines
de l’année 2022 ont été diverses, car aucune n’est épargnée par le recul des
salaires réels face à la hausse des prix. Le quotidien pour des millions de
travailleurs pauvres est fait de privations sur le chauffage et la nourriture.
Les files d’attente aux banques alimentaires s’allongent et, dans certaines
communes, des salles municipales accueillent désormais celles et ceux qui ont
trop froid pour rester chez eux.
Le calendrier des grèves prévues
en janvier, déjà fourni, devrait se remplir professions et de nouveaux secteurs
votent la grève. C’est la preuve que, pour une large partie des travailleurs,
la situation est trop grave pour rester l’arme au pied en attendant les
législatives de 2024 et le retour éventuel des travaillistes au pouvoir.
Mais la multiplication de grèves
ponctuelles et dispersées n’est pas encore le mouvement d’ensemble nécessaire
pour que le monde du travail impose ses intérêts contre ceux des capitalistes.
Or les dirigeants syndicaux ne poussent pas vers un tel mouvement. Sous la
pression du gouvernement qui les accuse de synchronisation illégale des grèves,
ils ont décommandé celles prévues le 24 décembre chez les ambulanciers et les
agents de nettoyage des trains, en se gardant bien de consulter les
travailleurs concernés.
Pour éviter des mouvements aussi
massifs qu’en cette fin d’année, le gouvernement conservateur affiche son
intention de durcir encore la législation anti-grève. Raison de plus pour que
les travailleurs se donnent les moyens, en 2023, d’unir leurs combats en une
lutte d’ensemble !
Thierry
Hervé (Lutte ouvrière n°2839)