Grèce :
répression accrue contre les migrants
27 Mai 2020
Sur le thème « encore une menace
d’Ankara », une partie de la presse grecque relaye les propos du ministre turc
des Affaires étrangères qui prévoit, avec le déclin de la pandémie, une
nouvelle vague d’immigration en Europe. Voilà qui va apporter de l’eau au
moulin du gouvernement Mitsotakis même s’il n’a pas attendu cette énième
déclaration pour stigmatiser la politique turque et pour agir contre les migrants.
Entre la nouvelle loi récemment
votée et les exactions policières contre les réfugiés, les actions n’ont pas
cessé, qu’elles soient couvertes légalement ou pratiquées en toute illégalité.
Du côté de la légalité, la loi du
8 mai officialise et renforce les procédures d’exception : un seul juge
pourra examiner le recours en appel des déboutés du droit d’asile dans un
nombre de cas plus important qu’auparavant. La détention en centre fermé sera
automatique comme pour les condamnés à l’expulsion. C’en est fini de la demande
de protection pour motif humanitaire. Le côté quasi militaire de cette justice
appliquée aux migrants est de plus en plus visible. D’ailleurs, pour régler ces
problèmes, la loi prévoit des crédits secrets utilisés « à des fins
nationales confidentielles (…) pour la protection de la sécurité nationale ».
Les exactions policières et
militaires s’intensifient aussi. Début mars les milliers de réfugiés envoyés
par le gouvernement turc vers la frontière nord de la Grèce, sur le fleuve
Evros, ont eu droit aux grenades lacrymogènes et aux matraques des policiers
des deux pays. Certains Grecs armés de fusils de chasse et de leurs convictions
ultranationalistes n’ont pas hésité à faire le coup de feu contre les migrants.
Moins visibles car dissimulées par les autorités, près de 200 expulsions
secrètes ont été dévoilées récemment par un groupe d’ONG, Border Violence
Monitoring Network. La police grecque a littéralement enlevé ces réfugiés, même
dans des camps éloignés de la frontière, leur a volé leurs papiers et le peu
qu’ils possédaient, les a frappés, parfois torturés avant de les jeter hors du
pays.
Dans les îles, une autre ONG
norvégienne, Aegean Board Report, a récemment révélé qu’une quarantaine de
migrants, arrivés à Samos le 28 avril, ont disparu après avoir été emmenés par
la police portuaire. Officiellement, il n’y a eu aucune arrivée sur l’île ce
jour-là. Ils auraient été renvoyés vers la Turquie sur des embarcations de
fortune sans que les autorités turques fassent état de leur retour. Des vidéos
montrent les bateaux des gardes-côtes grecs faisant un rodéo autour des bateaux
chargés de migrants pour les effrayer et leur faire rebrousser chemin, au
risque de les faire chavirer. Gardes-côtes grecs et turcs se les renvoient
mutuellement y compris après qu’ils ont déjà accosté. S’ajoutant aux
reconduites légales, 169 migrants auraient été ainsi illégalement renvoyés de
Grèce, depuis fin mars, selon l’ONG norvégienne.
La Grèce compte plus de
70 000 réfugiés, dont près de 40 000 vivent dans les îles, dans des
camps où le manque d’eau, d’hygiène et la surpopulation sont catastrophiques.
Parmi les plus vulnérables, âgés ou malades, 2 000 ont été transférés
provisoirement dans des hôtels sur le continent. Pendant que les organisations
humanitaires font ce qu’elles peuvent, le gouvernement Mitsotakis, lui, a
choisi la manière forte et expéditive, dans la ligne de sa politique très à
droite et nationaliste. Mais que dire des gouvernements européens qui
n’accueillent même pas les quelques dizaines de réfugiés mineurs qu’ils ont
promis de prendre en charge ? Ils sont responsables de cette politique
criminelle qui pèse sur les réfugiés et sur la population du pays. Et comme
tous les commanditaires, ils s’en lavent les mains.
Sylvie
MARÉCHAL (Lutte ouvrière n°2704)
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