Algérie :
une nouvelle étape pour le mouvement
Dimanche 7 avril, Bedoui, le
Premier ministre, a interdit les manifestations en semaine. Le lendemain, la
police procédait à des arrestations lors d’un rassemblement devant la Grande
Poste à Alger. Mardi 9 avril, pour la première fois, un important dispositif
policier réprimait la manifestation de milliers d’étudiants venus crier «
Bensalah, Bedoui, Belaïz, dégagez ! ». Le pouvoir tente-t-il, pour endiguer la
contestation populaire, d’amorcer un tournant vers la répression ? En tout cas,
dès le lendemain 10 avril, cela déclenchait de nombreuses manifestations de
protestation.
Le pouvoir n’a pas encore gagné
le bras de fer, car si des millions d’Algériens se sont dit « Bon
débarras ! » après la démission de Bouteflika, ils refusent qu’elle
serve au bout du compte à sauvegarder le système. Aussi, vendredi 5 avril, de
M’sila à Mostaganem en passant par Boumerdès, Sétif et Ouargla, c’est encore
massivement qu’ils sont descendus dans la rue pour rejeter la transition que le
chef d’état-major Gaïd Salah leur prépare sous l’égide de ceux qu’ils appellent
les « 3 B ».
Non aux 3
B, dégagez tous !
Bensalah, le président par
intérim, à la tête du Parlement depuis vingt-deux ans, Bédoui, Premier
ministre, et Belaiz, président du Conseil constitutionnel, ont tous servi le
système tant décrié par la population. Comme le disait un militant des droits
humains : « C’est comme si on mettait l’extincteur d’une maison
qui brûle entre les mains des pyromanes. »
Les manifestants ne veulent pas
d’une transition démocratique qui se fasse sans eux et par en haut. Ils veulent
le départ de tous ceux qui, de près ou de loin, sont liés au système.
« Bedoui dégage ! Belaiz dégage ! Bensalah dégage ! »,
« FLN dégage ! RND dégage ! », « Appliquons l’article
7 ! », « Le peuple a décidé, il a dit vous partez, c’est que
vous partez ! » L’interdiction de quitter le territoire et
l’arrestation de quelques riches hommes d’affaires ne font pas le compte et ne
suffisent pas à redorer le blason d’un pouvoir honni.
Dès dimanche, dans quelques
entreprises, les travailleurs se sont saisis de l’appel à la grève lancé sur
les réseaux sociaux contre le système, contre Sidi Said, le leader de l’UGTA.
Les travailleurs en profitent aussi pour avancer des revendications de
salaires. C’est le cas des travailleurs d’IMC dans la zone de Rouïba, de la
briqueterie de Bouira, de ceux de Socothyde aux Issers. Les mineurs de Tebessa
ont quant à eux chassé leurs délégués syndicaux UGTA. Un nouveau slogan est
apparu « Vous rendrez tous des comptes ! »
Les manifestants ont raison
d’être vigilants car la transition qu’on leur prépare ne peut pas être
démocratique. Derrière les 3 B, il y a l’état-major de l’armée et son chef Gaïd
Salah. Malgré les mots d’ordre « Armée peuple, frère !
frère ! », beaucoup repris par les manifestants, ou encore
« L’armée est la nôtre et on fait ce qu’on veut », l’état-major de
cette armée assure la continuité du système et se tient prêt à la répression
s’il juge que c’est la meilleure option.
Pour l’instant, face à la
puissance du mouvement populaire, on ne sait pas quel sera le choix fait par
Gaïd Salah. Lui qui a été un grand ami de Bouteflika, qui a soutenu le
cinquième mandat, se présente au contraire comme celui qui veille au
changement. S’il est rejeté par une partie des manifestants, il bénéficie du
soutien de la presse libérale et de bien des partis d’opposition, qui
aimeraient aussi en finir avec la contestation.
Soucieux de ne pas se faire voler
leur mouvement, les travailleurs et l’ensemble des couches populaires doivent
maintenir la pression, discuter et s’organiser sur les lieux de travail, dans
les quartiers, les universités, afin de déjouer les manœuvres d’un pouvoir qui
ne renoncera pas à les faire rentrer dans le rang.
Leïla
Wahda (Lutte ouvrière n°2645)
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