La goutte
d’essence de trop !
Samedi 17 novembre, près de 300
000 personnes en gilet jaune se sont mobilisées pour protester contre la hausse
des taxes sur l’essence et le gasoil, occupant de nombreux ronds-points avec
des blocages ou des filtrages qui ont été presque toujours bien acceptés par
les automobilistes, ou encore manifestant dans les centres-villes.
Cette protestation ne s’arrêtait
cependant pas à ces taxes, mais visait plus généralement la hausse des prix,
des loyers, du gaz, des mutuelles… alors que les salaires sont bloqués depuis
des années et que les pensions des retraités ont été réduites par la hausse de
la CSG.
Le rejet de Macron s’est exprimé
largement, mais aussi le ras-le-bol des fins de mois difficiles et des
conditions de travail qui empirent, de la vie qui devient de plus en plus
difficile pour les classes populaires. « On n’arrive plus à
vivre », « C’est le Cac 40 qui commande vraiment », « Il
faudrait un 1789 contre les capitalistes », pouvait-on entendre, entre
autres choses.
Il y avait certes des drapeaux
tricolores, et certains des partisans du Rassemblement national présents ont
tenu des propos racistes, que les médias se sont empressés de relayer. Mais,
dans les endroits où cela s’est produit, ils se sont souvent fait remettre à
leur place par d’autres manifestants. Et cela n’était en rien la tonalité
générale.
Région
Rhône-Alpes
Des milliers de participants en
majorité salariés, aides à domicile, ouvriers du bâtiment, cheminots, jeunes en
emploi précaire, mais aussi artisans, ont organisé des blocages de
supermarchés, comme à Auchan Saint-Priest, des barrages filtrants, un péage
gratuit sur l’A6, à Villefranche-sur-Saône, ou encore des manifestations
improvisées toute la journée. 500 à 600 personnes se sont ainsi retrouvées à
midi sur la place Bellecour à Lyon.
Autour de Grenoble, des
agriculteurs avaient accroché sur leurs tracteurs des banderoles sur lesquelles
on pouvait lire « Agriculteurs sur la paille » ou encore « Macron,
tu saignes les petits agriculteurs ».
En
Bourgogne
Les manifestants ont également
été nombreux : 600 personnes se sont rassemblées à Montbard, 1 300 au plus
fort de la journée à Chalon, 500 au Creusot, 400 à Montceau-les-Mines. À Dijon,
la mobilisation a réuni plus de 6 000 personnes. Près du centre-ville, les
manifestants ont été accueillis… par les gaz lacrymogènes lancés par les CRS.
Dans
l’Est
À Saint-Avold, comme à Belfort,
Nancy, Metz, les rassemblements ont regroupé un milieu populaire d’ouvriers des
usines des alentours, comme ceux de l’usine Neuhauser de Folschviller en
Moselle, en grève contre les licenciements, mais aussi de petites usines ou
encore des retraités. Beaucoup de délégués syndicaux, en particulier CGT,
étaient présents, malgré le refus de leurs confédérations de participer à la
journée du 17 novembre.
À Nantes
Les blocages qui ont rassemblé
plusieurs milliers de personnes ont permis, comme ailleurs, de nombreuses
discussions sur les salaires et les retraites trop faibles, les hausses de
l’essence, du gaz, des loyers, de tout ce qui est indispensable pour vivre,
mais aussi sur le chômage qui augmente.
À
Châtellerault
Le rassemblement le plus
important de la région avec 3 000 personnes a regroupé de nombreuses
délégations de travailleurs d’entreprises : les Fonderies du Poitou,
Valéo, Hollywood, Aigle, Fenwick, Marelli, Snecma, Thales, ainsi que des
employés communaux, des cheminots, des salariés des hôpitaux, venus en famille.
Une partie des 3 000 gilets jaunes sont partis manifester en direction de
l’hôpital où des services entiers doivent fermer, pendant que d’autres
bloquaient un rond-point, entraînant la fermeture du magasin Auchan.
Du nord
au sud du pays...
Le constat était le même : « On
ne s’en sort plus ».
Beaucoup de manifestants se sont
demandé quelle suite donner à cette journée. Certains ont d’ailleurs continué à
bloquer les jours suivants. Une chose est sûre : ce mécontentement doit
continuer à s’exprimer. Les gilets jaunes appellent à une manifestation samedi
24 novembre à Paris, dans ce but. Dans ces mobilisations, le monde du travail
doit mettre en avant ses propres objectifs pour défendre son niveau de vie, en
particulier l’augmentation générale des salaires, des allocations et des
retraites en fonction de celle des prix.
Aline
RETESSE (Lutte ouvrière n°2625)
Des
réactions dans les entreprises
De nombreux travailleurs étaient
présents dans les différentes actions du 17 novembre, aux quatre coins du pays.
Dans plusieurs entreprises, des salariés ont saisi l’occasion d’exprimer leur
mécontentement par des débrayages. Les conditions de travail, la pression pour
produire toujours plus et surtout les salaires qui ne suffisent pas à finir le
mois étaient au centre des discussions.
Chez PSA, à Douvrin dans le
Pas-de-Calais
La Française de Mécanique, qui
fait partie du groupe PSA, fait tourner une équipe de production de moteurs le
samedi et le dimanche (SD), de 16 h 30 à 6 heures. En arrivant samedi,
plusieurs travailleurs ont profité de l’appel de la CGT à débrayer pour des
hausses de salaires, pour dénoncer les salaires bien trop bas, l’inquiétude
pour l’avenir des enfants… D’autres travailleurs ont grossi ce petit groupe
dans l’heure qui a suivi.
Dans l’usine comme dans le reste
du groupe PSA, la direction met une pression constante pour sa production, en
faisant déborder avant et après les 12 heures du poste, ou en faisant décaler
toutes les pauses. Elle s’est même fait prendre la main dans le sac à ne pas
payer intégralement les majorations pour travail de nuit en SD, sans parler des
« erreurs » sur les fiches de paye des intérimaires.
Ceux qui ont tenu à débrayer
voulaient que cela se sache et ont fait le tour des deux bâtiments. Cela a été
l’occasion de discussions très encourageantes avec les autres travailleurs en
étant largement compris.
PSA Sochaux et Mulhouse
Des appels à la grève de la CGT
ont été relativement suivis dans ces deux usines PSA. Des travailleurs qui
n’avaient jamais fait grève s’y sont mis ce coup-ci, même s’il s’agissait
surtout de ne pas se retrouver bloqués en rentrant du travail.
À Sochaux, dans un secteur du
Ferrage, sur 20 salariés en CDI, 17 se sont déclarés grévistes dès le vendredi
soir pour le lendemain. L’une des deux lignes de production de l’usine ne
travaillant pas, la direction a dû trouver du monde pour que celle-ci sorte à
peu près normalement.
Dimanche soir, aux portes de PSA
Sochaux, il y a eu des tentatives de blocage par plusieurs dizaines de gilets
jaunes, vite évacués par la police mais causant quelques retards à la
production.
À Mulhouse, au dernier moment, la
CFDT et FO ont aussi appelé à la grève. Il faut dire que les élections
professionnelles sont proches ! Au Montage, une centaine d’ouvriers, dont
des intérimaires, étaient en grève, et la direction a fait venir énormément
d’intérimaires de contre-équipe. Même en faisant venir des renforts, elle a
perdu trois heures de production. Du côté des travailleurs, en grève ou restés
au travail, tout le monde en était satisfait !
Chez Michelin, à Cholet
La grève appelée par la CGT
samedi 17 novembre a été suivie à près de 50 % dans cette usine. Des
ateliers entiers n’ont pas pu fonctionner normalement. À 7 h 30, une
cinquantaine de travailleurs se sont retrouvés sur le parking de l’usine pour
se joindre ensuite au rassemblement le plus proche, sur le rond-point d’une
zone commerciale. Banderole, slogans et pancartes réclamant l’augmentation
générale des salaires ont été bien accueillis et ont suscité les discussions.
Lundi, dans les ateliers, les
représentants de la direction se lamentaient sur la perte de production
enregistrée le samedi 17 novembre. C’est bien dans les entreprises, au cœur de
leur système, qu’on peut faire mal aux capitalistes.
À la Redoute, à Roubaix
Il y avait beaucoup d’animation
samedi. Certains avaient posé un gilet jaune derrière leur pare-brise et
beaucoup voulaient se montrer solidaires des initiateurs du mouvement. Les
discussions tournaient autour du fait que tous les prix flambent et pas
seulement ceux des carburants, tous constataient que seuls les salaires sont
bloqués depuis des années et qu’il faut les augmenter. La colère contre Macron,
« exclusivement au service des richards », revenait dans
toutes les conversations. Un rassemblement a donc été proposé à tous les
travailleurs sur le parking de Quai 30, l’usine logistique à Wattrelos, samedi
17 au matin. Les deux équipes du week-end, d’une soixantaine de travailleurs
chacune, ont été appelées à la grève.
Une bonne soixantaine de salariés
ont écouté les interventions de militants de la CGT et ont manifesté dans le
quartier en scandant joyeusement des slogans comme : « L’essence
flambe, et notre colère aussi, les salaires sont gelés, il faut les
réchauffer. » Beaucoup de gens se mettaient à leur fenêtre ou à leur
porte pour applaudir et approuver les manifestants sur leur passage.
L’équipe d’après-midi a largement
montré sa solidarité avec le mouvement, puisque plus de la moitié de l’effectif
des embauchés a quitté l’usine à 17 heures et quelques-uns encore à 19 heures,
alors que la pression de la direction devenait forte pour l’opération
promotionnelle du Black Friday.
À Neuhauser, à Saint-Avold
Lundi 19 novembre, les
travailleurs de l’entreprise Neuhauser, en Moselle, toujours en grève contre la
menace de licenciements, se sont rendus en cortège à une vingtaine sur un
rond-point stratégique, bloqué par 300 gilets jaunes qui avaient maintenu leur
mobilisation depuis le samedi. Un groupe de salariés de l’entreprise, qui
avaient eu la même idée, s’y trouvaient déjà et les retrouvailles ont été
chaleureuses.
Les autres manifestants présents
sur le rond-point ont accueilli avec enthousiasme les travailleurs en lutte et
leur ont démontré leur soutien en bloquant tous les camions entrant et sortant
de l’usine, au grand dam du responsable de l’entreprise.
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