jeudi 22 novembre 2018

Gilets jaunes, dans la rue et dans les entreprises. Deux articles de notre hebdomadaire Lutte ouvrière n°2625 à paraître demain.


La goutte d’essence de trop ! 

Samedi 17 novembre, près de 300 000 personnes en gilet jaune se sont mobilisées pour protester contre la hausse des taxes sur l’essence et le gasoil, occupant de nombreux ronds-points avec des blocages ou des filtrages qui ont été presque toujours bien acceptés par les automobilistes, ou encore manifestant dans les centres-villes.
Cette protestation ne s’arrêtait cependant pas à ces taxes, mais visait plus généralement la hausse des prix, des loyers, du gaz, des mutuelles… alors que les salaires sont bloqués depuis des années et que les pensions des retraités ont été réduites par la hausse de la CSG.
Le rejet de Macron s’est exprimé largement, mais aussi le ras-le-bol des fins de mois difficiles et des conditions de travail qui empirent, de la vie qui devient de plus en plus difficile pour les classes populaires. « On n’arrive plus à vivre », « C’est le Cac 40 qui commande vraiment », « Il faudrait un 1789 contre les capitalistes », pouvait-on entendre, entre autres choses.
Il y avait certes des drapeaux tricolores, et certains des partisans du Rassemblement national présents ont tenu des propos racistes, que les médias se sont empressés de relayer. Mais, dans les endroits où cela s’est produit, ils se sont souvent fait remettre à leur place par d’autres manifestants. Et cela n’était en rien la tonalité générale.

Région Rhône-Alpes

Des milliers de participants en majorité salariés, aides à domicile, ouvriers du bâtiment, cheminots, jeunes en emploi précaire, mais aussi artisans, ont organisé des blocages de supermarchés, comme à Auchan Saint-Priest, des barrages filtrants, un péage gratuit sur l’A6, à Villefranche-sur-Saône, ou encore des manifestations improvisées toute la journée. 500 à 600 personnes se sont ainsi retrouvées à midi sur la place Bellecour à Lyon.
Autour de Grenoble, des agriculteurs avaient accroché sur leurs tracteurs des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Agriculteurs sur la paille » ou encore « Macron, tu saignes les petits agriculteurs ».

En Bourgogne

Les manifestants ont également été nombreux : 600 personnes se sont rassemblées à Montbard, 1 300 au plus fort de la journée à Chalon, 500 au Creusot, 400 à Montceau-les-Mines. À Dijon, la mobilisation a réuni plus de 6 000 personnes. Près du centre-ville, les manifestants ont été accueillis… par les gaz lacrymogènes lancés par les CRS.

Dans l’Est

À Saint-Avold, comme à Belfort, Nancy, Metz, les rassemblements ont regroupé un milieu populaire d’ouvriers des usines des alentours, comme ceux de l’usine Neuhauser de Folschviller en Moselle, en grève contre les licenciements, mais aussi de petites usines ou encore des retraités. Beaucoup de délégués syndicaux, en particulier CGT, étaient présents, malgré le refus de leurs confédérations de participer à la journée du 17 novembre.

À Nantes

Les blocages qui ont rassemblé plusieurs milliers de personnes ont permis, comme ailleurs, de nombreuses discussions sur les salaires et les retraites trop faibles, les hausses de l’essence, du gaz, des loyers, de tout ce qui est indispensable pour vivre, mais aussi sur le chômage qui augmente.

À Châtellerault

Le rassemblement le plus important de la région avec 3 000 personnes a regroupé de nombreuses délégations de travailleurs d’entreprises : les Fonderies du Poitou, Valéo, Hollywood, Aigle, Fenwick, Marelli, Snecma, Thales, ainsi que des employés communaux, des cheminots, des salariés des hôpitaux, venus en famille. Une partie des 3 000 gilets jaunes sont partis manifester en direction de l’hôpital où des services entiers doivent fermer, pendant que d’autres bloquaient un rond-point, entraînant la fermeture du magasin Auchan.

Du nord au sud du pays...

Le constat était le même : « On ne s’en sort plus ».
Beaucoup de manifestants se sont demandé quelle suite donner à cette journée. Certains ont d’ailleurs continué à bloquer les jours suivants. Une chose est sûre : ce mécontentement doit continuer à s’exprimer. Les gilets jaunes appellent à une manifestation samedi 24 novembre à Paris, dans ce but. Dans ces mobilisations, le monde du travail doit mettre en avant ses propres objectifs pour défendre son niveau de vie, en particulier l’augmentation générale des salaires, des allocations et des retraites en fonction de celle des prix.

                                             Aline RETESSE (Lutte ouvrière n°2625)
Des réactions dans les entreprises

De nombreux travailleurs étaient présents dans les différentes actions du 17 novembre, aux quatre coins du pays. Dans plusieurs entreprises, des salariés ont saisi l’occasion d’exprimer leur mécontentement par des débrayages. Les conditions de travail, la pression pour produire toujours plus et surtout les salaires qui ne suffisent pas à finir le mois étaient au centre des discussions.

                                                            

Chez PSA, à Douvrin dans le Pas-de-Calais

La Française de Mécanique, qui fait partie du groupe PSA, fait tourner une équipe de production de moteurs le samedi et le dimanche (SD), de 16 h 30 à 6 heures. En arrivant samedi, plusieurs travailleurs ont profité de l’appel de la CGT à débrayer pour des hausses de salaires, pour dénoncer les salaires bien trop bas, l’inquiétude pour l’avenir des enfants… D’autres travailleurs ont grossi ce petit groupe dans l’heure qui a suivi.
Dans l’usine comme dans le reste du groupe PSA, la direction met une pression constante pour sa production, en faisant déborder avant et après les 12 heures du poste, ou en faisant décaler toutes les pauses. Elle s’est même fait prendre la main dans le sac à ne pas payer intégralement les majorations pour travail de nuit en SD, sans parler des « erreurs » sur les fiches de paye des intérimaires.
Ceux qui ont tenu à débrayer voulaient que cela se sache et ont fait le tour des deux bâtiments. Cela a été l’occasion de discussions très encourageantes avec les autres travailleurs en étant largement compris.

PSA Sochaux et Mulhouse

Des appels à la grève de la CGT ont été relativement suivis dans ces deux usines PSA. Des travailleurs qui n’avaient jamais fait grève s’y sont mis ce coup-ci, même s’il s’agissait surtout de ne pas se retrouver bloqués en rentrant du travail.
À Sochaux, dans un secteur du Ferrage, sur 20 salariés en CDI, 17 se sont déclarés grévistes dès le vendredi soir pour le lendemain. L’une des deux lignes de production de l’usine ne travaillant pas, la direction a dû trouver du monde pour que celle-ci sorte à peu près normalement.
Dimanche soir, aux portes de PSA Sochaux, il y a eu des tentatives de blocage par plusieurs dizaines de gilets jaunes, vite évacués par la police mais causant quelques retards à la production.
À Mulhouse, au dernier moment, la CFDT et FO ont aussi appelé à la grève. Il faut dire que les élections professionnelles sont proches ! Au Montage, une centaine d’ouvriers, dont des intérimaires, étaient en grève, et la direction a fait venir énormément d’intérimaires de contre-équipe. Même en faisant venir des renforts, elle a perdu trois heures de production. Du côté des travailleurs, en grève ou restés au travail, tout le monde en était satisfait !

Chez Michelin, à Cholet
La grève appelée par la CGT samedi 17 novembre a été suivie à près de 50 % dans cette usine. Des ateliers entiers n’ont pas pu fonctionner normalement. À 7 h 30, une cinquantaine de travailleurs se sont retrouvés sur le parking de l’usine pour se joindre ensuite au rassemblement le plus proche, sur le rond-point d’une zone commerciale. Banderole, slogans et pancartes réclamant l’augmentation générale des salaires ont été bien accueillis et ont suscité les discussions.
Lundi, dans les ateliers, les représentants de la direction se lamentaient sur la perte de production enregistrée le samedi 17 novembre. C’est bien dans les entreprises, au cœur de leur système, qu’on peut faire mal aux capitalistes.

À la Redoute, à Roubaix

Il y avait beaucoup d’animation samedi. Certains avaient posé un gilet jaune derrière leur pare-brise et beaucoup voulaient se montrer solidaires des initiateurs du mouvement. Les discussions tournaient autour du fait que tous les prix flambent et pas seulement ceux des carburants, tous constataient que seuls les salaires sont bloqués depuis des années et qu’il faut les augmenter. La colère contre Macron, « exclusivement au service des richards », revenait dans toutes les conversations. Un rassemblement a donc été proposé à tous les travailleurs sur le parking de Quai 30, l’usine logistique à Wattrelos, samedi 17 au matin. Les deux équipes du week-end, d’une soixantaine de travailleurs chacune, ont été appelées à la grève.
Une bonne soixantaine de salariés ont écouté les interventions de militants de la CGT et ont manifesté dans le quartier en scandant joyeusement des slogans comme : « L’essence flambe, et notre colère aussi, les salaires sont gelés, il faut les réchauffer. » Beaucoup de gens se mettaient à leur fenêtre ou à leur porte pour applaudir et approuver les manifestants sur leur passage.
L’équipe d’après-midi a largement montré sa solidarité avec le mouvement, puisque plus de la moitié de l’effectif des embauchés a quitté l’usine à 17 heures et quelques-uns encore à 19 heures, alors que la pression de la direction devenait forte pour l’opération promotionnelle du Black Friday.

À Neuhauser, à Saint-Avold

Lundi 19 novembre, les travailleurs de l’entreprise Neuhauser, en Moselle, toujours en grève contre la menace de licenciements, se sont rendus en cortège à une vingtaine sur un rond-point stratégique, bloqué par 300 gilets jaunes qui avaient maintenu leur mobilisation depuis le samedi. Un groupe de salariés de l’entreprise, qui avaient eu la même idée, s’y trouvaient déjà et les retrouvailles ont été chaleureuses.
Les autres manifestants présents sur le rond-point ont accueilli avec enthousiasme les travailleurs en lutte et leur ont démontré leur soutien en bloquant tous les camions entrant et sortant de l’usine, au grand dam du responsable de l’entreprise.

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