Mon père, un homme discret, mais des parents chouettes
Le 14 mai 1968, ou plutôt le 15
mai 1968, en soirée, les parents arrivent les uns à la suite des autres récupérer
leur progéniture. Ni barricade, ni manifestation collective, la quasi-totalité
des élèves s’inclinent et se retrouvent, quoi qu’ils en pensent, illico
embarqués dans les autos de leurs parents.
Mon
père comme les autres est venu. Mais je n’ai pas l’intention d’accepter le
diktat de l’administration, et n’a-t-on pas décidé collectivement d’occuper
l’école jusqu’à ce que fin du mouvement s’ensuive ! Je veux rester donc,
et en restant modeste, un peu à la manière de Mirabeau qui n’acceptant pas l’ordre
du roi de quitter la salle des Etats-généraux déclara le 23 juin 1789 : "Allez
dire au roi que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous n'en
sortirons que par la force des baïonnettes". C’est vrai, nous sommes
également à Versailles, et mon père et moi-même ne sont ni le roi ni Mirabeau.
Lui n’a surtout pas l’intention d’utiliser la force.
Et
puis avoir un idéal, même naissant, mon père sait ce que c’est. Il est
responsable d’une section syndicale à l’Imprimerie nationale. Il est proche du PSU,
de son aile « cathos de gauche », et s’est opposé en son temps à la
guerre coloniale d’Algérie.
Soit.
Il accepte, avec ma maman, que je ne parte pas. Il me demande d’être prudent.
De donner des nouvelles régulièrement, ce que physiquement je ferai en
particulier grâce à mon solex de ces années-là qui me permettra plusieurs fois
de faire la route Versailles-Argenteuil. Et puis, bien sûr, il me donne des
sous…
Ce
soir-là, nous restons à quelques-uns à « occuper » l’école et son
grand parc. Il y a quelques provinciaux contraints de rester puisque les
transports sont en grève. Mais ceux qui nous ont abandonnés nous ont tout de
même laissé leurs provisions de bouche dorénavant inutiles. Donc, nous ne
mourrons pas de faim, et comme on dit, on a 16 ans et la vie est belle…
(A suivre. Une direction… la Sorbonne…)
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