Secret
des affaires : la loi du silence
Jeudi 24 mai, une commission de
députés et de sénateurs s’est accordée sur un projet de loi sur le secret des
affaires. Il vise à attaquer tous ceux, lanceurs d’alerte, salariés,
syndicalistes, journalistes, militants associatifs, qui voudraient dénoncer les
malversations de dirigeants des groupes capitalistes.
Ainsi, d’après un collectif de
journalistes, de syndicats et d’associations, la définition du secret des
affaires est « si vaste que n’importe quelle information interne à une
entreprise peut désormais être classée dans cette catégorie », au point que
« des scandales comme celui du Mediator ou du Bisphenol A, ou des affaires
comme les Panama papers ou Luxleaks pourraient ne plus être portés à la
connaissance des citoyens ».
Dans la plupart de ces affaires
passées, ceux qui ont contribué à porter des informations sur la place publique
ont dû à chaque fois affronter toutes sortes de pressions, allant jusqu’au
licenciement quand il s’agissait des travailleurs des entreprises mises en
cause. Certains ont été menacés de poursuites judiciaires, voire condamnés. Mais
cette loi permettra aux propriétaires des grandes entreprises, qui disposent
d’un arsenal de juristes et d’avocats, d’attaquer encore plus facilement en
justice tous ceux qui cherchent à dénoncer leurs agissements criminels ou
crapuleux. D’autant qu’il est prévu que de telles affaires puissent être
traitées par des tribunaux de commerce, où siègent des juges beaucoup plus
favorables au monde des affaires auquel ils sont souvent liés.
Le gouvernement actuel et les
partisans de cette loi mettent en avant la nécessité de transposer dans le
droit français une directive européenne adoptée en mai 2016… et elle-même
préparée sous l’impulsion de grands capitalistes, dont des trusts bien français
comme Michelin, Alstom, Safran, etc. En fait, cela fait des années qu’en France
les gouvernements de droite comme de gauche cherchent à mieux protéger le
secret des affaires pour les grands industriels. Ainsi, en 2012, une loi
punissant de trois ans de prison et de 375 000 euros d’amende la violation du
secret des affaires a été votée.
Tout cela parce que le secret des
affaires, comme le secret commercial et industriel, est un moyen pour le grand
patronat de mener sa guerre économique. Il lui permet d’utiliser tous les
moyens pour augmenter ses profits à l’abri des regards indiscrets. Il sert de
paravent pour préparer longtemps à l’avance les fermetures d’usine, les plans
de licenciements, les restructurations. Il rend plus facile de placer ses
profits, sans avoir à rendre de comptes.
Pour se défendre dans cette
guerre de classe, les travailleurs ont au contraire à se battre pour la levée
de ce secret, afin de pouvoir contrôler tout ce qui se passe dans les
entreprises. Non seulement cela permettrait d’éviter bien des agissements
scandaleux, mais cela permettrait de savoir où va vraiment l’argent produit par
le travail des salariés, à combien se montent réellement les profits et de voir
qu’il serait largement possible d’interdire tous les licenciements, d’embaucher
les chômeurs en répartissant le travail entre tous, tout en augmentant les
salaires. Ce serait une étape dans la lutte contre la dictature du grand
patronat sur la société.
Arnaud
LOUVET (Lutte ouvrière n°2600)
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