Mayotte :
mobilisation de la population
La ministre des Outre-mer ne
prévoyait pas de se rendre à Mayotte avant l’élection législative partielle des
18 et 25 mars. Elle y a finalement été expédiée le jour de la rentrée scolaire,
lundi 12. Griveaux, le porte-parole du gouvernement, avait affirmé de façon
péremptoire que la rentrée se ferait à la date prévue, sous-entendant que tous
les protestataires seraient calmés.
Mais les barrages et les
manifestations ont continué, la rentrée scolaire n’a pas eu lieu. La ministre
venait répéter que des escadrons de gendarmes viendraient sécuriser l’île,
qu’un patrouilleur de la Marine nationale ferait la chasse 24 heures sur 24 aux
kwassas kwassas, ces embarcations de fortune empruntées par les Comoriens qui
tentent de gagner Mayotte. Elle a aussi évoqué la possibilité d’instaurer un
statut d’extraterritorialité à l’hôpital de Mayotte et à sa maternité, pour ne
pas avoir à accorder la nationalité française, au titre du droit du sol, aux
enfants de Comoriennes y ayant accouché.
C’est réduire volontairement aux
questions d’immigration et de sécurité les revendications du mouvement. La
population mobilisée exige le recrutement et la formation de centaines
d’enseignants, de surveillants, de personnel technique et administratif, la
construction d’établissements scolaires en nombre suffisant. Comme le demande
le personnel enseignant et non enseignant, il faut que cessent les classes
surchargées, il faut mettre fin à ce système inouï de cours par alternance,
matin pour les uns et après-midi pour d’autres. De même, il est d’urgence
vitale que les médecins, les sages-femmes, les infirmiers, les aides-soignants,
les hôpitaux, les maternités, les centres de soins, les matériels, les
médicaments, etc. soient en nombre suffisant.
C’est plus que nécessaire dans ce
département laissé à la traîne par les différents gouvernements, depuis Sarkozy
jusqu’à Macron en passant par Hollande ! Certains disent que le 101e
département a cinquante ans de retard. Il apparaît que ce n’est pas en
prétendant réduire la « pression migratoire », comme le font le gouvernement et
divers politiciens, que ce retard sera rattrapé. Tous ceux qui désignent les
Comoriens qui fuient la misère de leur pays pour espérer vivre un peu mieux à
Mayotte comme les principaux responsables de l’insécurité trompent les classes
populaires et cherchent à attiser la haine entre les Mahorais et leurs frères
des autres îles des Comores. C’est l’impérialisme français qui, pour conserver
une présence dans la région, a coupé Mayotte, dotée du statut de territoire français,
des autres îles de l’archipel des Comores, transformant ainsi en étrangers les
Comoriens qui ne sont pas nés à Mayotte. Mais tous sont victimes du même
sous-développement résultant de plus d’un siècle de colonisation française.
Mardi 13 mars, au deuxième jour
de la visite ministérielle, la mobilisation n’avait pas faibli sur l’île, ce
que montrait le nombre de manifestants à Mamoudzou et l’envahissement du
conseil départemental. L’exaspération des manifestants a éclaté contre un
sénateur et deux maires « dégagés » de la salle alors qu’ils préparaient une
rencontre avec la ministre. « Nous venons virer les traîtres d’hier »
criaient-ils, car la veille ces élus avaient accueilli la ministre en l’absence
des leaders de la mobilisation, porteurs de revendications économiques et
sociales.
Ce même jour, le 13 mars, un
accord a été signé par des représentants des collectifs et de l’intersyndicale.
Ils ont appelé à la suspension du mouvement et à la levée des barrages.
Le poison du racisme d’État
contre les Comoriens, visant à détourner la colère, n’a pas pu étouffer la
mobilisation de la population sur le terrain social. C’est un acquis à
préserver, car seule une lutte unie de tous les opprimés leur permettra de
mener le combat contre la misère et ses conséquences.
Émile
GRONDIN (Lutte ouvrière n°2589)
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