Mélenchon
: l’opium tricolore
Qui a dit récemment, à l’approche
du Conseil européen de Bruxelles : « Je crois à la puissance française.
En Europe ses intérêts fondamentaux doivent être protégés. Faire l’Europe ?
Oui, si c’est sans défaire la France » ? Est-ce Le Pen, Fillon, ou même
Asselineau dans un moment d’égarement ? Vous n’y êtes pas. C’est Jean-Luc
Mélenchon dans une interview au quotidien Les Échos.
Si Mélenchon se défend de
revendiquer un Frexit à l’heure où Londres va graduellement mettre en place le
Brexit, il réclame le « droit de garder nos 6 milliards ». Quels
sont-ils ? À ses yeux, il s’agit d’une « dépense somptuaire », un don à
l’Europe, en fait la différence entre la contribution totale de la France aux
divers budgets européens et ce que l’UE lui reverse en aides, telles que celles
à l’agriculture. « Payer des routes aux Roumains et des aéroports aux pays
baltes, c’est utile, mais ce n’est pas dans nos moyens actuels », précise
le député France insoumise pour illustrer un calcul approximatif portant sur le
budget européen 2015.
Avec cette dernière saillie,
digne d’un indépendantiste catalan à la Puigdemont spéculant sur les préjugés
régionalistes, Mélenchon, pour commencer, fait mine d’oublier que la France, si
elle est le deuxième contributeur au budget européen, en est aussi le premier
bénéficiaire ; nombre de chefs d’entreprises, de gros propriétaires céréaliers,
de gros éleveurs laitiers s’en félicitent.
Mais surtout, quelle solidarité
recouvrent ces mots ? Quelle France Mélenchon craint-il de voir défaire ? Quels
intérêts fondamentaux devraient être protégés ? Qui garderait « nos » 6
milliards ? L’absence de référence à ceux qui, dans ce pays comme ailleurs,
créent les richesses, les travailleurs, et ce, quelle que soit la couleur de
leurs papiers d’identité, ou l’absence de papiers, est une réponse ô combien
parlante.
La seule référence de Mélenchon
vient plus loin dans l’interview : il se sent capable de proposer, lui, le «
tribun du peuple », à « ceux dont [il a] besoin pour construire un
rapport de forces », un « grand tournant » politique semblable à celui de
De Gaulle en 1958. On croit comprendre que Mélenchon se voit en acteur vedette
d’une nouvelle saison d’union de la gauche électorale, qui pourrait réunir en
2022 le parti de Hamon, les politiciens PS décimés par Macron, le Parti
communiste orphelin de candidat…
Mais à l’Europe des capitalistes
et des banques, Mélenchon ne propose pas d’opposer une Europe des travailleurs
sans frontières. Aux « nationalismes les plus obscurs en Hongrie, Slovaquie,
en Autriche ou en Pologne » qu’il dénonce à juste titre, il n’oppose qu’un «
indépendantisme français », inquiétante bannière où l’on cherchera quelque
jour à ranger le monde ouvrier derrière ses exploiteurs.
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