Mélenchon
: prise de la Bastille bis… et après ?
Samedi 18 mars, plusieurs
dizaines de milliers de personnes sont venues apporter leur soutien à Mélenchon
place de la Bastille à Paris.
On
peut comprendre que les manifestants aient été réjouis d’avoir fait une
démonstration de force, derrière des revendications comme le droit à l’IVG ou à
mourir dans la dignité, ce qui change des réactionnaires des Manifs pour tous
ou des pro-Fillon du Trocadéro. Mais on est aussi en droit de se demander vers
quoi Mélenchon et ses alliés du PCF et de Ensemble veulent canaliser cette
énergie. En 2012 déjà, la prétendue « prise de la Bastille » n’avait servi qu’à
faire élire Hollande.
Comme
à son habitude, Mélenchon a dit tout et son contraire, faisant brandir par
centaines les drapeaux tricolores, ceux de la bourgeoisie française, tout en se
réclamant de la Commune de Paris, massacrée en 1871 par celle-ci ; redoublant
de nationalisme, tout en faisant chanter l’Internationale.
Son
discours a été un ramassis d’idées qui ne peuvent qu’obscurcir la conscience
des travailleurs. En déclarant : « Ceci est une insurrection citoyenne
contre la monarchie présidentielle », il fait oublier que le président de
la République, bien loin d’être un monarque, est avant tout un valet de la
classe capitaliste. En fustigeant « l’Union européenne, qui soumet le peuple
à la souveraineté de l’argent », il fait croire que la dictature du profit
s’impose de l’extérieur, et dédouane ainsi totalement les capitalistes
français. En prônant « que le bulletin de vote donne le coup de balai qui
les fasse tous – sans exception – dégager », il laisse entendre qu’il peut
suffire de changer de personnel politique pour changer la société.
Enfin,
Mélenchon a menacé : « Il faut faire cette révolution citoyenne si vous ne
voulez pas subir un coup d’État ethnique ou un coup d’État financier. »
Quel coup d’État financier ? Les financiers, les grands actionnaires, n’ont pas
besoin d’un quelconque coup d’État pour imposer leur dictature à toute la
société, et ils le font depuis longtemps. Leur dictature économique s’impose
déjà au quotidien.
Quant
au coup d’État ethnique, on suppose qu’il s’agit de l’éventuelle arrivée au
pouvoir du FN et de ses idées xénophobes. Mais, là encore, les préjugés contre
les travailleurs immigrés ou étrangers n’ont pas attendu cette élection pour
faire leur chemin et s’imposer dans les têtes, et Mélenchon, depuis des années,
n’a jamais pris sur cette question que des positions ambiguës. Avec cette
phrase alambiquée, Mélenchon veut avant tout faire peur et se poser comme le
seul recours possible pour éviter le pire.
En
revanche, ce qui est clair, c’est le refus de Mélenchon d’évoquer
l’exploitation capitaliste ou de s’en prendre, ne serait-ce qu’avec des mots,
aux profits des actionnaires. La classe capitaliste mène une guerre sociale
féroce contre les travailleurs, pour accumuler sur leur dos les milliards
qu’elle déverse ensuite dans la spéculation financière. C’est cette guerre qui
ravage la société et est la cause du chômage et de la montée de la misère.
C’est
contre ces ennemis-là que les travailleurs doivent se préparer à défendre leur
vie. Dans ce conflit, ils ont besoin d’idées et d’une conscience de classe. Pas
de l’esbroufe d’un bonimenteur.
Julie
LEMÉE (Lutte ouvrière n°2538)
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