L’ADCI,
Association de Défense du Cinéma Indépendant fait circuler actuellement la « lettre
ouverte » adressée au maire d’Argenteuil ci-dessous. Elle demande que le
projet de multiplex annoncé par G. Mothron soit abandonné. Pour notre part,
nous dénonçons la liquidation de « l’espace Jean Vilar » et nous
répétons que tout projet municipal devrait être l’objet d’une consultation de
la population. Mais c’est bien volontiers que nous diffusons sur le présent
blog cette lettre ouverte.
Multiplexe
et Temps modernes.
Lettre
ouverte au Maire d’Argenteuil
Le 31 mars dernier, Monsieur le
maire, vous annonciez aux présidents d’associations que la ville mettait à
l’étude, par une entreprise privée, la construction d’« un pôle de loisirs constitué notamment d’un cinéma multiplexe et de
restaurants ».
Il s’agirait, selon vos propos,
d’une « évidente nécessité » pour les
argenteuillais.
Association de Défense du Cinéma
Indépendant qui, depuis 17 ans, programmons des films en présence des cinéastes
dans les cinémas municipaux, nous sommes particulièrement interpelés par le
retour de cette idée d’un multiplexe, contre laquelle nous nous étions élevés
il y a 17 ans, avec pour seule raison, la défense du cinéma indépendant, au nom de l’exception culturelle
dont tous les politiques s’enorgueillissaient.
Mais qu’est-ce qu’un multiplexe ?
Derrière le modernisme affiché et l’« évidente nécessité » d’une telle
structure pour les argenteuillais, se cachent des faits réels : après chaque
arrivée d’un multiplexe ce sont des cinémas indépendants qui meurent, des films
d’auteurs écrasés par le matraquage publicitaire de films aux budgets énormes :
les « blocksbusters ».
Certes, on cherchera à nous faire
croire à nouveau qu’ainsi « il y en aura pour tous les goûts! »
Cinéastes, acteurs, producteurs
et distributeurs indépendants peuvent vous le dire, Monsieur le maire : ces
films-produits que sont les blocksbusters prennent de plus en plus de place sur
l’ensemble des écrans. Ils interdisent de ce fait la présentation des films
indépendants à modestes budgets.
Lors d’une étude à ce sujet, Le Monde citait la semaine du 13
février 2013 : « Sur les 5 600 écrans que compte l’Hexagone, 4 693 étaient
monopolisés par 10 films. Aucun
n’était un film indépendant ! »
Lorsqu’un film indépendant
apparait dans un multiplexe, c’est parce que son auteur est connu et que le
film va « faire des entrées ». Et ceci
parce que les premiers films du cinéaste ont été découverts et promus
par les cinémas Art et Essai.
Mais UGC, Pathé, Gaumont et
autres fervents du grand commerce n’ont aucun scrupule pour récupérer ces
nombreuses entrées dont auraient pu bénéficier les salles indépendantes,
notamment pour soutenir les films aux petits budgets de jeunes cinéastes.
Ainsi, à côté des films-produits
que sont les blockbusters, les derniers films de Pedro Almodovar et Woody Allen
étaient annoncés dans les multiplexes avant même leurs projections à Cannes.
UGC, Pathé, Gaumont et quelques
nouveaux jeunes loups, n’ont qu’une obsession : remplir les bourses de leurs
actionnaires. Et tous les moyens sont bons : avez-vous remarqué, Monsieur le
maire, que les promoteurs de ces
Blocksbusters n'hésitent pas à faire de la violence, du sexisme et de la force
machiste un spectacle. Les images de la violence fascinent les jeunes regards.
Les chercheurs vous le diront : dans les multiplexes la violence fait recette !
En ce temps que vous voulez « sécuritaire », ne peut-on pas s’en étonner ?
Ne laissez pas croire, Monsieur
le maire, qu’un nouveau promoteur privé aurait soudainement l’intention
de bouger cette ligne.
En
offrant à des entreprises privées les terres chères aux impressionnistes, vous
ne feriez que fragiliser davantage le
cinéma indépendant et oublier de penser ce que devrait être l’art et
la culture.
Votre pré projet est d'autant
plus étonnant que vous avez, Monsieur le Maire, fait construire le Figuier
Blanc, centre culturel beaucoup plus coûteux que les promoteurs l'annonçaient,
mais que les contribuables ont payé et qui est là.
Qui connait les difficultés actuelles des programmateurs pour gérer un cinéma indépendant peut se demander comment, avec un multiplexe à deux pas, il va pouvoir réaliser une programmation digne d'un service public et accueillir des films dans leur diversité, à Argenteuil ?
Qui connait les difficultés actuelles des programmateurs pour gérer un cinéma indépendant peut se demander comment, avec un multiplexe à deux pas, il va pouvoir réaliser une programmation digne d'un service public et accueillir des films dans leur diversité, à Argenteuil ?
En mars 2016, vous faisiez une
promesse aux associations : « Ce projet n’en étant qu’à ses prémisses, je
m’engage naturellement à revenir vers vous ». Alors que nos connaissances en
matière cinématographique auraient pu vous être utiles, vous n’êtes ni venu, ni
revenu vers nous. Par contre vous avez censuré 3000 nuits et La sociologue
et l’ourson, 2 films sortis partout en France, et que notre Association de
Défense du Cinéma Indépendant et l’association Argenteuil Solidarité Palestine
soutenaient, en invitant les spectateurs à échanger avec les cinéastes!
Voudriez-vous aller plus loin
Monsieur le maire ? Construire un multiplexe, les études chiffrées le montrent,
c’est vouloir la censure par l’étouffement du cinéma d’auteur.
Pour nous, diffuser des films qui
laissent une place à l’imaginaire individuel, plutôt que de chloroformer les
esprits, c’est respecter le spectateur, c’est aller à l’encontre d’une logique
commerciale enivrante, celle du mépris de Patrick Lelay, ex PDG de TF1, qui
prône des émissions de divertissement et de détente, afin que « le cerveau
humain reste disponible » aux messages publicitaires, tels que Coca cola.
Cette logique de façonnage de
l’opinion permet ainsi aux idées simplistes de l’emporter sur la liberté de
penser.
En un temps où on assiste à une
inversion des valeurs entre la culture et l’argent, face à « la bête immonde » qui revient au galop,
face aux carences des pouvoirs publics, nous en appelons aux enseignants, aux
éducateurs, aux artistes et à tous ceux qui pensent que l’art et la culture
sont nécessaires à la construction de l’individu et à la vie de la cité, pour
dire :
« Non, Monsieur le Maire, nous ne
pouvons concevoir qu’un multiplexe puisse être à nouveau envisagé à Argenteuil
! »
Le cinéma est un art et non une
entreprise d’infantilisation des spectateurs.
"Les temps modernes" de l’indépendant Chaplin n’ont pas
fini de nous interpeler.
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