Loi El
Khomri : la médecine du travail visée
Le projet de loi El Khomri n’a
vraiment oublié aucune des revendications patronales, notamment, parmi
celles-ci, un nouvel allégement des quelques obligations des employeurs en
matière de santé au travail qui subsistaient encore.
Ce
projet – dans la droite ligne des réformes de la médecine du travail qui se
succèdent depuis une quinzaine d’années – réduit considérablement les modalités
de surveillance médicale des salariés et modifie sur plusieurs points le régime
de l’inaptitude en assouplissant les conditions des licenciements qui peuvent
en découler.
La
visite médicale d’embauche disparaîtrait. Seuls les travailleurs affectés à des
postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité,
celles de leurs collègues ou de tiers, devraient passer un examen médical
d’aptitude renouvelé périodiquement. Les modalités d’identification de ces
travailleurs ainsi que les mesures de suivi dont ils bénéficieraient restent
mystérieuses, dans l’attente des décrets à venir. C’est pourquoi quasiment tous
les syndicats de médecins du travail dénoncent le rôle qu’on veut leur faire
jouer : ils devraient de fait sélectionner les travailleurs les plus adaptés
aux risques et ainsi exonérer l’employeur de ses obligations légales de
prévention.
Il
y a également dans le texte la notion nouvelle des risques encourus par des
tiers autres que les salariés de l’entreprise. En fait cette disposition a
clairement été demandée par les juristes patronaux pour couvrir les risques des
entreprises, en particulier celles de transport. Car en cas d’accident routier
ou aérien, pourquoi ne pas invoquer la défaillance humaine que le médecin
n’aura pas su diagnostiquer à l’avance ?
La
visite médicale systématique tous les deux ans disparaît également, le projet
de loi renvoie les modalités et la périodicité de ces examens à un décret à
venir. Sachant que différents rapports préconisent d’en ramener la périodicité
à seulement tous les quatre ou cinq ans, c’est clairement l’abandon d’un
minimum de suivi médical des travailleurs, déjà pourtant sérieusement mis à mal
depuis 2004 avec la suppression de la visite annuelle.
Le
projet de loi comporte également toute une série de mesures scandaleuses sur «
l’inaptitude au poste médicalement constatée ». En effet, avec la dégradation
des conditions de travail résultant de la course à la productivité imposée par
les patrons, on estime qu’au moins 500 000 inaptitudes, partielles ou totales,
temporaires ou définitives, sont prononcées tous les ans vis-à-vis de salariés
qui, cassés, usés principalement par le travail, ne peuvent plus tenir leur
poste. Les pathologies principales sont les troubles musculo-squelettiques et
les troubles psychosociaux. Avec les textes actuels qui prévoient, au moins sur
le papier, des aménagements de postes ou des reclassements, les rares études
sur le sujet démontrent déjà que, dans neuf cas sur dix, l’inaptitude débouche
sur le licenciement !
Nul
doute que, si les nouveaux textes devaient être appliqués, ce serait un
encouragement aux patrons à se débarrasser encore plus vite des travailleurs
qui ne peuvent plus tenir leur poste du fait de leur état de santé. Le projet
ne prévoit plus qu’une seule visite médicale au lieu de deux actuellement pour
le constat d’inaptitude. Il réduit encore les obligations de reclassement,
notamment en remplaçant systématiquement le mot « emploi » par celui de « poste
». Ce n’est pas un détail car, selon les juristes des syndicats de médecins du
travail, cela peut permettre de contourner la jurisprudence actuelle. Les
possibilités de recours d’un salarié qui contesterait son « inaptitude à tous
postes dans l’entreprise », là aussi seraient de fait annihilées. En effet, le
recours se ferait devant les Prudhommes, et non plus devant l’inspecteur du
travail et le médecin inspecteur comme actuellement. Quand on connaît les
délais de jugement, le travailleur aura pu être licencié depuis des mois avant
que le tribunal ne se prononce !
Le
gouvernement a eu le culot de regrouper ces textes sous le titre « Moderniser
la médecine du travail » alors que, sur ce sujet de la santé au travail comme
sur les autres, la loi El Khomri ramènerait des décennies en arrière : raison
de plus pour imposer son retrait !
Bruno Deslandes
Pour le retrait de la Loi El Khomri
A Paris
Grande
Manifestation
Ce jeudi 28 avril
A 14 heures
Place
Denfert-Rochereau
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire