mardi 29 mars 2016

Molenbeek : une commune populaire dans toutes ses difficultés



A propos de cette ville de Molenbeek en Belgique. En novembre dernier, une correspondance de cette commune était parue dans notre hebdomadaire Lutte ouvrière. Nous la reproduisons ci-dessous.


Molenbeek, une commune populaire sous les projecteurs


25 Novembre 2015

Les habitants de Molenbeek ont appris dans les jours suivant les attentats de Paris qu’une partie des terroristes venaient du quartier. Un choc pour tout le monde. Depuis, leur commune est au centre de l’attention des médias venus du monde entier. Lundi 16 novembre, les 1 200 élèves de la principale école n’ont pas pu sortir durant plus de deux heures, une intervention massive de la police ayant lieu à la recherche d’un présumé terroriste dans le quartier.
         On entendait des déflagrations, comme dans les zones de guerre d’où viennent certains des élèves. Les forces armées ont fait irruption dans des appartements, se sont bien entendu aussi trompées de porte, arrêtant des innocents et n’hésitant pas à braquer leurs armes sur des enfants.
         Molenbeek, l’une des 19 communes bruxelloises, compte officiellement 96 000 habitants et est en deuxième place des communes les plus pauvres de Belgique. À environ 9 800 euros (chiffre très théorique de 2012), le revenu annuel moyen par habitant y est de 40 % inférieur à la moyenne nationale. Comme la commune comprend également un quartier plus aisé, le montant réel dont disposent les ménages des rues populaires est plus bas encore.
         Molenbeek a toujours été une commune ouvrière et compte aujourd’hui une forte composante d’habitants d’origine étrangère, majoritairement marocaine. Le taux de chômage officiel y avoisine les 30 %, celui des jeunes de moins de 25 ans atteint officiellement 41,6 %. L’aggravation de la crise accentue encore la pauvreté et les difficultés de gestion.
         Cette année, le collège communal a décidé de réduire les dépenses de 10 %, et il a augmenté les impôts immobiliers des propriétaires de 500 euros par an, touchant beaucoup des familles issues de l’immigration qui sont là depuis deux ou trois générations. Comme dans tous les quartiers populaires de la région bruxelloise, les écoles sont surchargées, souvent logées dans de vieux bâtiments mal isolés et équipés de chaudières vétustes, qui les rendent difficiles à chauffer.
         Les dépenses de la commune et de la région bruxelloise se sont surtout concentrées sur la réhabilitation de l’ancienne zone industrielle, avec des lofts et des logements modernes et écologiques et des zones vertes, pour attirer un public plus aisé, pour plus de « mixité sociale ». Mais cela a contribué à la ghettoïsation de ce quartier populaire, où la place délaissée par les pouvoirs publics a progressivement été occupée par les mosquées, qui s’occupent aussi d’organiser l’entraide nécessaire. Les nouveaux habitants branchés ne mettront pas leurs enfants dans les écoles du quartier.
         Le monde politique n’a fait qu’accompagner, voire encourager cette emprise de la religion. Les deux tiers des Molenbeekois ont la nationalité belge et les résidents étrangers, y compris hors Union européenne, ont le droit de vote aux élections communales. Les professionnels de la politique, comme l’ancien bourgmestre de la commune Philippe Moureaux du PS, ont fait carrière en s’appuyant sur ces voix et sur les imams, y compris les plus rétrogrades.
         Comme les écoles publiques ont l’obligation de dispenser des cours de religion, chrétienne, juive ou musulmane, elles contribuent à enfermer les jeunes dans leur prétendue « différence culturelle ». Les écoles de Molenbeek sont bien avancées dans leur évolution vers des écoles ghettos à la réputation difficile, où il n’y plus aucun enfant « blanc » et où le nombre d’enseignants « blancs », déjà très réduit, diminue également d’année en année.
         La société capitaliste n’a pas grand-chose à offrir aux jeunes de Molenbeek, si ce n’est la religion et la répression. Ils subissent des contrôles policiers quasi quotidiennement. Soulaymane, un adolescent de 15 ans, est mort dans une station de métro en 2014. Au retour de l’école, il a été retenu par la police du métro, a tenté de s’échapper et est tombé devant le train qui arrivait. Le 5 novembre dernier, sa famille a appris la décision de non-lieu du tribunal. Alors qu’il y a des caméras partout dans la station, les quelques minutes d’enregistrement correspondant au déroulement du drame et au comportement de la police manquent, à cause d’un « problème technique ».
         Le monde politique y va de ses propositions pour déradicaliser Molenbeek, ce « nid de terroristes », ce « djihadistan » que le journaliste Éric Zemmour conseille même à la France de bombarder au lieu de Rakka. Le ministre de l’Intérieur belge, Jan Jambon, du parti nationaliste flamand N-VA qui participe pour la première fois au gouvernement fédéral, a annoncé dès samedi 14 novembre qu’il allait « nettoyer Molenbeek ». Quelques semaines avant, son collègue de parti, le secrétaire d’État à l’Asile et l’Immigration Theo Francken, avait proposé que chaque réfugié porte un badge autour du cou.
         Les habitants de Molenbeek sont sous le choc. Ils subissent en premier le poids des idées réactionnaires des intégristes et la loi des petits malfrats que ces terroristes ont été, avant de se trouver une cause qui leur permet de justifier leur envie de tout faire péter. Les gesticulations martiales du gouvernement, qui a annoncé un budget de 400 millions d’euros supplémentaires pour la police et l’armée, sont dirigées aussi en premier lieu contre eux. Tout jeune issu de Molenbeek est désormais suspect.
         Il n’y a pas d’autre issue pour la jeunesse populaire que la révolte, mais avec l’objectif de changer cette société.
                                                        Correspondant LO


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