vendredi 22 août 2014

La "Libération" : une volonté de maintenir en place l'appareil d'Etat répressif. Un article de l'hebdomadaire Lutte Ouvrière de cette semaine, en vente à nos permanences de ce soir et de ce dimanche au marché Héloïse de 10 h.30 à 12 h.


 
Août 1944, la police s'enferme à la préfecture : tous unis pour maintenir en place l'appareil d'État répressif
 
La presse, les radios, la télévision ont célébré le « soulèvement » de la police parisienne, le 19 août 1944, « contre l'occupant ». Si cet épisode est bien révélateur de quelque chose, c'est de la mystification qui s'opéra alors autour de ce qu'on appela et qu'on continue d'appeler la « libération », où gaullistes et direction du PCF tous unis agirent pour... remettre sur pied l'appareil d'État qui avait sévi contre la population durant quatre ans.
Les troupes américaines avaient débarqué depuis plus de deux mois en Normandie, l'armée allemande avait entrepris un repli général, ce qui avait rendu possible un deuxième débarquement, en Provence, le 15 août. La fin du régime dictatorial de Vichy, mis en place par la Chambre de Front populaire, n'était plus qu'une question de jours ou au plus de semaines. La population qui avait souffert de ce régime pendant quatre ans, en même temps que l'occupation, l'exécrait. La déconfiture du régime et de l'appareil d'État qui l'avait servi risquait de créer une situation politique et sociale dangereuse pour la bourgeoisie. Il fallait donc agir.
Et c'est ainsi que, pour lui redonner une crédibilité de « résistant », fut mis sur pied le scénario de la révolte de la police parisienne, qui démarra le lendemain de ce qui fut pompeusement appelé « l'insurrection parisienne, contre l'occupant ». Le tout fut mis au point en liaison avec le dirigeant du PCF Rol-Tanguy, qui dirigeait l'appareil de la Résistance sur Paris. Pour l'essentiel, cela se traduisit par le retranchement de quelques milliers de policiers au sein de l'immeuble de la préfecture dans l'île de la Cité. Le 24 août, la veille de son arrivée à Paris avec sa division, le général Leclerc leur envoya d'ailleurs le message suivant : « Tenez bon, nous arrivons. »
Et ainsi, cette même police qui depuis 1939 et pendant les années qui suivirent s'était illustrée, avec la dernière violence, par la chasse aux communistes, puis plus tard par la chasse aux Juifs et à tous ceux qui pouvaient contester le régime, n'hésitant pas à utiliser la torture et à commettre des assassinats, devint par enchantement « la police qui osa défié l'occupant ». De Gaulle d'ailleurs lui décerna dès octobre 1944 la Légion d'honneur et déclara : « Bravant l'occupant...déclenchant la lutte dès le 19 août, les courageux gardiens de la police parisienne ont donné à la nation un bel exemple de patriotisme et de solidarité, qui fut l'un des premiers facteurs du succès des combats pour la libération de la capitale.»
Cette réhabilitation de la police parisienne faisait partie de l'ensemble de l'opération voulue, avec la Résistance, la création du CNR, le Conseil national de la Résistance. Tout cela visait à maintenir en place l'ancien appareil d'État, dont la bourgeoisie avait besoin pour assurer sa domination au sortir de la guerre. C'est en particulier pour cette tâche que de Gaulle avait passé alliance avec les dirigeants du PCF et les avait déjà intégrés des mois à l'avance dans son Gouvernement provisoire. Et c'est ainsi que la même police, les mêmes gendarmes, les mêmes juges, les mêmes hauts fonctionnaires, après un bref intermède, purent sans problème relancer leur travail de répression, tout particulièrement contre les populations des pays colonisés qui se dressèrent contre l'impérialisme français.
                                                                                          Paul Sorel
 
 


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