Brésil : une journée de luttes
réussie
Le 11 juillet, une dizaine de
jours après le début des vacances d'hiver et la fin des grandes manifestations
du mois de juin contre les hausses des transports, les confédérations
syndicales appelaient à une journée de lutte avec grèves et manifestations.
L'appel a été entendu : plusieurs millions
de grévistes, et pas seulement dans la fonction publique, plus de 80 autoroutes
et voies à grande circulation bloquées, le port de Santos, le plus important de
l'Amérique latine, paralysé tout comme le complexe industriel et portuaire de
Suape (75 000 salariés) dans l'État de Pernambouc. Le mouvement a également
touché des raffineries et des grands chantiers ou des usines automobiles, comme
Ford ou Volvo.
De grandes villes ont connu une vraie grève
générale, en particulier dans les transports publics, comme Belo Horizonte ou
Porto Alegre. Dans cette dernière, les étudiants occupaient depuis la veille
les locaux de l'assemblée municipale. Ils ont obtenu au bout d'une semaine le
dépôt de deux projets, l'un instituant la gratuité des transports en bus pour
les étudiants et les chômeurs, l'autre l'ouverture des comptes concernant les
transports municipaux. Il reste à les faire voter, mais la mobilisation
continue pour la gratuité totale des transports sur la ville.
Cette journée de lutte, la plus
importante depuis une vingtaine d'années, a marqué le retour en scène de la
classe ouvrière. Les intentions des centrales syndicales sont diverses et en
général modestes. Ainsi la CUT, liée au Parti des travailleurs et au
gouvernement, reste vague et prône un « dialogue avec la société ». Força
sindical, plutôt liée à l'opposition de droite, se prononce pour des
changements économiques et pour une lutte contre l'inflation. Ces
confédérations veulent surtout rappeler qu'elles sont là. Elles ont appelé à
une nouvelle journée de mobilisation le 30 août, en précisant à nouveau qu'il
ne s'agit pas d'un appel à une grève générale.
Quant au gouvernement, il a du mal à
reprendre la main. La présidente Dilma Rousseff, dont la popularité au cours du
mois de juin est tombée de 60 à 30 % dans les sondages, a voulu frapper fort en
proposant une réforme du système électoral et du financement des partis. Elle
dit vouloir des majorités parlementaires plus stables (une trentaine de partis
sont représentés au Parlement brésilien), et plus de transparence et
d'honnêteté dans la vie politique, secouée par d'innombrables scandales. Elle a
été sèchement rembarrée par les partis sur lesquels elle s'appuie, qui sont le
produit de ce système électoral et se nourrissent de financements douteux. Elle
parle maintenant de résoudre les problèmes de la santé, mais il semble qu'elle
voudrait avant tout soigner sa popularité, à un an de l'élection présidentielle
d'octobre 2014.
Certains, dans le Parti des travailleurs
et dans le pays, parlent d'un retour de Lula. L'ex-syndicaliste a présidé le
pays de 2003 à 2010 dans une longue période de prospérité économique. Sa
popularité est intacte et il en joue, faisant remarquer avec bonhomie que les
mobilisations récentes sont le résultat de la réussite économique du pays et
qu'il est naturel que plus de jeunes mieux éduqués réclament de meilleures
conditions de vie.
La situation économique et sociale du pays
ne dépend pas du talent ou de la maladresse des gouvernants. Dilma Rousseff
jouissait d'une popularité à peu près égale à celle de Lula, jusqu'à la crise
des transports en juin. Il semble bien que la crise mondiale soit en train
d'atteindre durement le Brésil et que la classe ouvrière se mobilisera pour
refuser d'en payer la facture.
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