Michèle Audin viendra parler de son livre "Une vie brève". Une vie brève, c'est celle de son père Maurice Audin, qui a disparu lorsqu'elle avait trois ans et demi et dont elle part à la recherche dans ce récit. Avant l'entretien et la dédicace, l'historienne Sylvie Thénault reviendra sur l'"affaire Audin".
Voici ce qu'écrivait Lutte Ouvrière dans un numéro de janvier 2009.
Michelle Audin refuse la Légion d'honneur et l'amnésie d'État
Trois personnes viennent de refuser la Légion d'honneur que leur destinait le président de la République en ce début d'année.
Ainsi les journalistes Françoise Fressoz (Le Monde) et Marie-Ève
Malouines (France Info) ont souligné qu'elles n'avaient pas sollicité
cette décoration et que rien d'exceptionnel dans leur parcours
professionnel ne la justifiait. Françoise Fressoz a même ajouté que,
« pour exercer librement sa fonction, un journaliste doit rester à
l'écart des honneurs ».
Le troisième refus provient de la fille de Josette et Maurice Audin,
Michelle Audin. Mathématicienne comme son père, elle a motivé son refus
au président de la République. Dans sa lettre, elle
suppose que cette distinction entend récompenser ses recherches
mathématiques. Mais elle n'a pas oublié que, lors de la prise de
fonction présidentielle, sa mère avait écrit à Sarkozy pour lui
demander que toute la vérité soit faite sur la mort de son mari, torturé
et assassiné en 1957 par des parachutistes de l'armée française pendant
la bataille d'Alger. Celle-ci, conduite par le général
Massu, institua l'usage de la torture contre les partisans de l'Algérie
indépendante, avec le quitus du gouvernement dirigé par le
« socialiste » Guy Mollet, qui entendait que l'Algérie reste
française.
Le 11 juin 1957, Maurice Audin, professeur de mathématiques de 25
ans, anticolonialiste et militant du Parti Communiste Algérien interdit
depuis 1955, était arrêté à son domicile d'Alger par des
parachutistes. Il devait mourir le 21 juin 1957 au cours d'une séance de
torture, étranglé par le lieutenant Charbonnier. Les parachutistes
maquillèrent l'assassinat en une tentative d'évasion. Le
corps du « porté disparu » ne fut jamais retrouvé. Paru en 1958, un
livre, La Question, écrit par Henri Alleg, militant du PCA, ami d'Audin,
arrêté et torturé lui aussi, allait dénoncer l'usage de la
torture. Alleg a donné un échantillon des propos des officiers pendant
qu'ils le torturaient : « Tu sais ce que c'est la Gestapo ? Tu vas
disparaître. Personne ne sait que tu es arrêté, tu vas crever
et ta putain de République, on la foutra en l'air aussi ! »
Plusieurs tentatives de Josette Audin d'obtenir réparation en
justice, à l'époque et encore en 2001 sous Jospin, se sont soldées par
des non-lieu ou des appels rejetés, sans parler du décret
d'amnistie promulgué par l'État français dès 1959 pour les crimes de
l'armée lors des « opérations de maintien de l'ordre contre
l'insurrection algérienne ».
Cinquante ans après, Josette Audin estimait qu'il restait des témoins
susceptibles de faire la lumière sur les circonstances précises de la
mort de son mari. Un des protagonistes, le général
Aussaresses, supérieur hiérarchique de Charbonnier, n'avait-il pas fait
des demi-aveux sur les circonstances ? Josette Audin espérait aussi que
l'État français reconnaîtrait que ses représentants
avaient usé de la torture et condamnerait cette pratique.
Mais l'amnésie de l'État, quand il s'agit de ses crimes, est en
général durable. Heureusement, la famille Audin n'a pas la mémoire
courte. Et c'est parce que le président Sarkozy n'a même pas
daigné répondre à la lettre de sa mère que Michelle Audin a refusé la
Légion d'honneur. Comment, il est vrai, aurait-elle pu accepter une
décoration que l'État français avait jadis remise au
tortionnaire de son père ?
Jacques FONTENOY
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