SNCF : un
train de retard sur les salaires
21 Décembre 2022
À l’approche des fêtes et des
menaces de grève à la SNCF, en particulier chez les contrôleurs, gouvernement
et médias ont multiplié les attaques contre les cheminots, accusés de prendre
les familles en otage.
La responsabilité du conflit est
entièrement dans les mains de la direction de la SNCF. Comme tous les patrons,
elle a refusé d’accorder des augmentations générales de salaire à la hauteur de
l’inflation. Les dernières négociations annuelles salariales pour 2023 n’ont
débouché que sur 2 % d’augmentation générale et une prime annuelle de 600
euros brut. Les cheminots comme tous les travailleurs ont de plus en plus de
mal à payer leurs factures, à faire leur plein d’essence, bref à joindre les
deux bouts. À cela s’ajoute une dégradation brutale des conditions de travail,
de roulements, en raison du manque d’effectifs. Des mouvements sporadiques
éclatent chaque semaine dans différents secteurs, ouvriers d’ateliers, employés
en gare, aiguilleurs, conducteurs et contrôleurs. Mais, à l’approche des fêtes,
l’inquiétude de la SNCF et du gouvernement se portait surtout sur la reprise du
mouvement des ASCT, autre nom des contrôleurs.
Un collectif, baptisé Collectif
national d’ASCT ou CNA, regroupant aujourd’hui 3 500 contrôleurs sur
10 000 dans une page Facebook, syndiqués ou non, avait demandé en octobre
aux syndicats de déposer un préavis de grève du 2 au 5 décembre sur des
revendications, formulées de manière catégorielle mais posant la question des
salaires. En cas d’échec, deux autres préavis pour les week-ends de Noël et du
jour de l’an étaient déposés.
Ce mouvement, s’il a bénéficié de
l’appui de plusieurs organisations syndicales, CFDT, SUD-Rail et UNSA, mais pas
de la CGT, a été surtout propagé par la base, par les contrôleurs eux-mêmes,
durant le mois de novembre, non seulement sur les réseaux mais dans de
multiples discussions individuelles et collectives. Le premier week-end de
décembre, ils faisaient une véritable démonstration de force, faisant grève à
80 % en moyenne.
La direction a proposé les jours
suivants, en échange de la levée du préavis, quelques mesures spécifiques aux
contrôleurs. En dehors de mesures de déroulement de carrière ne concernant
qu’une minorité, elle instaurait une « prime de technicité »
annuelle de 600 euros pour les contrôleurs, correspondant à 38,50 euros net par
mois et intégrait la moitié de la prime de travail au salaire, ce qui compte
donc pour la retraite. Mais c’est bien loin des revendications et des besoins
des contrôleurs, dont le salaire est non seulement insuffisant mais composé de
nombreuses primes, pour travail de nuit, en décalé, « découchés »,
qui disparaissent en cas de maladie ou d’invalidité.
Pour autant l’UNSA, sans se
soucier de l’opinion des grévistes, signait ce « relevé de
conclusions » et se retirait des préavis. Le CNA, quant à lui, sans
appeler à la poursuite du mouvement, appelait à « apprécier les
mesures » et organisait un vote à partir de Facebook. Cette
consultation, bien différente d’assemblées générales de travailleurs débattant
collectivement, fut très vite massivement piratée puis annulée « la
mort dans l’âme » pour cause de fraude. Le CNA demanda alors « à
toutes les OS (organisations syndicales) qui ont posé un préavis,
d’organiser des votes auprès de leurs adhérents contrôleurs, afin de se
positionner sur la poursuite ou pas du mouvement. » SUD-Rail, rejoint
par la CGT le 19 décembre, maintenait le préavis sans appeler à la grève,
disant que la consultation n’avait pas permis de dégager une position
majoritaire… Ce sont donc les contrôleurs eux-mêmes qui, plus ou moins
individuellement, devraient se positionner. Mais à trois jours de la grève, la
SNCF n’annonçait déjà plus que deux trains sur trois.
Quelle que soit l’ampleur de ce
nouveau mouvement, c’est bien en organisant la lutte par eux-mêmes et en se
donnant les moyens, par le biais d’assemblées générales et de comités de grève
élus, que les grévistes peuvent, à la SNCF comme ailleurs, diriger leur
mouvement consciemment et démocratiquement.
Christian BERNAC (Lutte ouvrière n°2838)