Reprendre les idées de l’extrême-droite ne servira que celle-ci
Sahra Wagenknecht, députée Die
Linke, classé à l'extrême-gauche au Bundestag allemand, vient d'annoncer la
création du mouvement Aufstehen (Debout) avec comme axe politique la limitation
du nombre de migrants et de réfugiés. Selon Oskar Lafontaine, fondateur de Die
Linke et mari de Wagenknecht, il s'agit de « juguler la montée de l'Afd
(extrême-droite)(...)devenu le parti des travailleurs et des demandeurs
d'emploi » et de rompre avec « la naïveté de la gauche ».
Prétendre
combattre l'extrême-droite en reprenant ses idées, c'est ce que font aussi
certains politiciens de gauche en France, pour le plus grand bonheur du Front
national. Wagenkneckt invoque Marx et répète que le patronat profite de
l'immigration pour tirer les salaires vers le bas... Mais le patronat profite
de toutes les divisions, de nationalité, de sexe, de statut ou de qualification
pour exploiter les travailleurs... de toutes origines.
Pour
combattre l'exploitation, ce que prônait Marx, c'était : « travailleurs de
tous les pays unissons-nous » !
Un
article sur l’Allemagne de notre hebdomadaire Lutte ouvrière n°2614 à paraître
Allemagne
: face à l’extrême droite
Dans la nuit du samedi 25 août,
plusieurs hommes ont été blessés à Chemnitz lors d’une rixe, dont l’un,
poignardé, a succombé à ses blessures. Dans cette ville de Saxe, en
ex-Allemagne de l’Est, l’extrême droite est implantée depuis longtemps et elle
s’est jetée sur le drame.
Pour être tragique, l’affaire
restait de l’ordre du fait divers. Mais, apprenant que deux jeunes réfugiés (un
Irakien et un Syrien) étaient soupçonnés, l’extrême droite a sauté sur
l’occasion, faisant courir sur les réseaux sociaux rumeurs et mensonges sur les
circonstances du drame et appelant à manifester. Ces rassemblements ont été
l’occasion d’un déferlement de haine raciste et des scènes de chasse à l’homme
se sont déroulées. Depuis, plusieurs agressions racistes ont eu lieu et
quelques journalistes et militants de gauche ont aussi été pris pour cible.
L’homme de 35 ans poignardé lors
de la rixe était germano-cubain et foncé de peau. Les amis avec lesquels il se
trouvait ce soir-là étaient germano-russes : comme l’ont exprimé ses proches,
c’est seulement mort que les néo-nazis peuvent l’utiliser ; vivant, il aurait
pu être leur victime !
L’extrême droite est présente de
longue date dans quelques régions d’Allemagne, et notamment en Saxe, avec y
compris une frange violente. Mais elle était très minoritaire, voire
marginalisée, et jusque-là la situation ne lui permettait pas de s’exprimer si
ouvertement. Cette fois, forts des succès électoraux récents du parti AfD
(Alternative pour l’Allemagne), et encouragés par la poussée générale des idées
réactionnaires, divers groupes d’extrême droite, hooligans, Pegida, néonazis et
autres cogneurs se sont sentis de passer à l’acte. C’est la première fois que
ces mouvements, organisations et partis manifestent ensemble pour une
démonstration de force.
Venus à Chemnitz de toute
l’Allemagne, les manifestants ont réussi à être plusieurs milliers. Par leur
violence verbale et physique, ils franchissent une étape symbolisée par les
saluts hitlériens.
L’impuissance de la classe
politique est frappante. Certains semblent effrayés, beaucoup se sont faits
discrets, sur la défensive, évoquant sans cesse « l’État de droit » qui ne
permet pas de tels excès... pendant que les passages à tabac continuent.
Plusieurs ont aussi tenu à afficher une certaine solidarité, si ce n’est avec
les néonazis du moins avec les racistes, en évoquant leur compréhension pour
ceux qui « pleurent le mort », tout en ajoutant que, dans une démocratie, on ne
peut pas « se faire justice soi-même ».
Les dirigeants politiques sont
impuissants à faire reculer l’extrême droite car c’est ce qu’ils font au
pouvoir qui nourrit frustrations et désillusions. Et quand les migrants sont
mis en avant comme boucs émissaires, rendus responsables de tous les maux et
misères, cela leur évite aussi de nommer les véritables responsables.
Les liens entre l’extrême droite,
y compris violente, et une partie de la police de Saxe ont également été mis en
évidence. Lors d’un rassemblement d’extrême droite à Dresde, une équipe de la
télévision publique allemande a par exemple été empêchée de filmer par la
police. Des policiers sont membres de l’AfD, voire néonazis, et deux d’entre
eux viennent d’être suspendus pour avoir fait le salut nazi dans une
manifestation. À Chemnitz, l’extrême droite a aussi rendu public le mandat
d’arrêt contre le suspect, comportant les nom et adresse de ce réfugié,
document vraisemblablement remis par un policier. L’armée abrite aussi des
activistes d’extrême droite et ferme les yeux. Les gouvernements successifs
n’ont évidemment jamais rien entrepris contre ce noyautage de l’appareil
d’État.
Face aux démonstrations de
l’extrême droite, plusieurs contre-manifestations, réunissant également
plusieurs milliers de personnes, ont été organisées depuis une dizaine de
jours. Lundi 3 septembre, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont
assisté à Chemnitz à un grand concert rock contre le racisme et les violences
faites aux étrangers.
Ces événements sont un choc pour
beaucoup. Il faut qu’ils amènent à se poser toutes les questions, à comprendre
les causes de ce retour d’une barbarie qu’ils pensaient révolue et surtout
réfléchir à comment prendre le mal à la racine.
Alice
MORGEN (Lutte ouvrière n°2614)