Les
grévistes tiennent toujours
Lors de la dernière séquence de
grève des cheminots, les taux de grévistes ont légèrement baissé, avec le 18
juin : 19,2 % à l’exécution, 43,8 % chez les conducteurs et 38,1 % chez les
contrôleurs, mais ils restent importants. Les milliers de cheminots qui
continuent la grève ne veulent pas baisser la tête : voté ou non, le pacte
ferroviaire ne leur convient pas, et ce ne sont pas les réunions tripartites et
autres négociations avec le gouvernement ou le patronat du ferroviaire qui les
feront changer d’avis. Ils ont bien l’intention de rester mobilisés jusqu’à la
journée du 28 juin et réfléchissent à comment continuer pendant l’été.
Parmi les grévistes, les
discussions sont particulièrement nombreuses sur les acquis et les limites du
mouvement, les perspectives pour l’avenir. Même s’ils ont la fierté d’avoir
relevé la tête face à un gouvernement brutal et méprisant, ils sont évidemment
conscients que l’état de la mobilisation ne permet pas pour le moment de
modifier le rapport de force avec ce gouvernement et de le forcer à retirer sa
réforme.
La
responsabilité des directions syndicales
Les directions syndicales ont une
responsabilité dans cette situation, avant tout parce qu’elles ont laissé
croire aux cheminots qu’on pouvait répondre à l’attaque frontale de Macron par
une grève à l’économie. En proposant la grève perlée deux jours sur cinq, la
CGT était sans doute au niveau de la mobilisation des cheminots en début de
mouvement, cette formule ayant été suivie par la majorité des grévistes. Mais
elle n’a rien fait par la suite pour essayer de les entraîner dans un mouvement
plus déterminé, pour faire monter la pression que pouvait exercer les
cheminots, sans parler des autres secteurs de la classe ouvrière.
La CGT n’a pas cherché à
s’appuyer sur les grévistes les plus combatifs, sur les assemblées générales
les plus mobilisées, pour entraîner les autres. Au contraire, il n’était pas
question de sortir du calendrier décidé par l’intersyndicale au début du
mouvement, transformé en carcan, et toute initiative venant de la base et
visant à rendre la grève plus efficace et à sortir de la routine, était
rejetée. De son côté, la direction de Sud-rail, qui prônait en paroles la grève
reconductible, en est restée à jouer les oppositionnels de façade tout en
restant dans le cadre de l’intersyndicale et de sa politique.
Or, changer le rapport de force
avec un gouvernement à l’offensive demande qu’on soit prêt à mettre toute
l’énergie des travailleurs à le combattre. Et plus généralement, seules des
luttes susceptibles de s’étendre à l’ensemble de la classe ouvrière, dures et
déterminées, pourraient faire suffisamment peur à la bourgeoisie pour qu’elle
pousse le gouvernement à reculer. Mais de cela les directions syndicales ne
veulent pas. Elles ont leurs propres objectifs, qui sont de se faire
reconnaître comme des interlocuteurs incontournables par le gouvernement, quand
il ne s’agit pas d’une simple concurrence pour les prochaines élections
professionnelles.
L’intersyndicale du mardi 19 juin
s’est conclue par un désaccord entre les syndicats : la CGT n’est pas suivie
par la CFDT et l’UNSA dans sa proposition de continuer le mouvement en juillet,
seul Sud-rail se rallie à sa proposition. Mais bien des grévistes sont prêts à
continuer quelle que soit l’évolution de l’intersyndicale, car pour eux, rien
n’est réglé. Et, au-delà de ce mouvement, ils savent qu’il y aura d’autres
combats à mener, car, du côté du gouvernement et du patronat, la lutte de
classe est toujours à l’ordre du jour.
Des liens
précieux pour l’avenir
Dès maintenant, les directions
locales commencent à s’attaquer aux accords dans leur secteur, qui résultent
souvent de grèves partielles victorieuses et améliorent un peu le quotidien,
tant pour les salaires que pour les conditions de travail. Parmi les grévistes,
beaucoup ne comptent pas laisser passer ces nouvelles attaques sans rien faire.
Dans ces nouvelles luttes, ils ne partiront pas de rien.
Des milliers, et même des
dizaines de milliers de cheminots, participent ou ont participé à un moment ou
à un autre à ce mouvement. Les plus déterminés se retrouvent chaque jour de
grève dans les assemblées générales, les actions, les manifestations. Ils
vivent la grève ensemble, se soutiennent, créent des liens qui comptent dans le
mouvement, mais qui compteront aussi au-delà. La force des travailleurs, c’est
la grève, car c’est aussi dans ces moments que se crée une belle solidarité, et
cela est déjà un acquis.
Les grévistes ont aussi pris
l’habitude dans bien des endroits d’aller à la rencontre des travailleurs
d’autres secteurs du service public ou d’entreprises privées, en particulier
ceux qui étaient eux aussi attaqués par un gouvernement pressé de faire des
économies sur leur dos ou par un patronat toujours plus avide de profits. Là
encore, cette attitude non corporatiste, ces liens tissés avec les travailleurs
du voisinage, qui, bien souvent, n’existaient pas avant la grève, sont des
gages pour l’avenir.