À ces travailleurs et à leurs familles s'étaient jointes des délégations
d'entreprises Ford venues d'Allemagne, de France, d'Espagne, de Turquie, faisant
fi des efforts de la direction pour monter les travailleurs des différents sites
les uns contre les autres. Une délégation de PSA Aulnay était également
présente.
La délégation allemande de l'usine de Cologne, relativement proche, était
forte de plusieurs centaines de manifestants. Quatre jours plus tôt, le mercredi
7 novembre, quelque 250 travailleurs de Ford Genk étaient entrés par surprise
sur le site de Cologne pour appeler leurs collègues allemands à la solidarité.
La police anti-émeute, appelée par la direction de Cologne, avait eu bien du mal
à les en faire sortir.
S'étaient aussi joints des travailleurs et des délégations syndicales des
nombreuses entreprises fermées ou sous le coup d'une menace de fermeture ou de
suppressions d'emplois : des anciens d'Opel Anvers, fermé en 2010, d'Audi
Bruxelles, restructuré en 2006, des délégations venues de Volvo Gand, Philips
Bruxelles, Dow Chemicals, Bekaert... Pour le seul mois d'octobre, ce sont en
effet plus de 15 000 suppressions d'emplois qui ont été annoncées en Belgique
!
Des travailleurs venus de Liège, une ville francophone proche de Genk,
suscitaient des gestes de sympathie de la part des manifestants flamands : des
pouces levés, des tapes sur l'épaule signifiaient que leur présence était
appréciée, après des années de matraquage sur la division entre Flandre et
Wallonie de la part des partis politiques et des médias.
Tous ces signes positifs étaient malheureusement contrebalancés dans cette «
marche pour l'avenir » par le silence du cortège : aucun mot d'ordre, aucune
revendication n'étaient apportés par les organisations syndicales, excepté un
sinistre brassard noir distribué en signe de deuil. Aucune perspective face à la
vague de suppressions d'emplois, aux attaques en cours contre les salaires,
contre les chômeurs, n'était formulée. Cet apolitisme délibéré ne peut que
renforcer le sentiment d'impuissance éprouvé par beaucoup. Seuls, le cortège du
PTB (Parti du travail de Belgique, d'origine maoïste) et les pancartes
revendicatives tenues par des militants politiques, tranchaient avec le ton
d'enterrement silencieux voulu par les directions syndicales.
Le patronat, lui, ne réagit pas du tout de la même manière. L'émoi suscité
par l'annonce de la fermeture de Ford Genk a été immédiatement utilisé par les
organisations patronales pour faire entendre bruyamment de nouvelles
revendications, réclamant « des mesures choc » pour relancer la compétitivité :
baisse de cotisations sociales et des impôts pour les entreprises, baisse du «
coût du travail », etc.
Pendant ce temps, le gouvernement, lui, discute d'une augmentation de la TVA
à 22 %, de « sauter » la prochaine indexation des salaires, de mesures
d'économies « à la tondeuse » dans les budgets publics... après avoir décidé de
consacrer 2,9 milliards d'euros pour recapitaliser Dexia.
Face à la crise, le patronat est à l'offensive pour maintenir ses profits.
Reste aux travailleurs à s'organiser pour de bon, afin d'imposer la défense de
la seule chose qu'ils ont pour vivre : leurs salaires et leurs emplois !
Correspondant LO