Les cendres de Bigeard à Fréjus : hommage du Parti socialiste au colonialisme
Les cendres du général Bigeard, qui fut un cadre de l'armée française
pendant les guerres coloniales d'Indochine et d'Algérie, pourraient se
retrouver le 20 novembre prochain à Fréjus au Mémorial des
guerres d'Indochine. C'est une décision du ministre socialiste de la
Défense Jean-Yves Le Drian, qui donnerait ainsi une fin heureuse à un
caprice du général que son prédécesseur de droite, Gérard
Longuet, n'avait pu exaucer.
Le général est mort en 2010. Il souhaitait que ses cendres soient
dispersées sur le champ de bataille de Dien-Bien-Phu, bataille perdue
par l'armée française face à la volonté du peuple vietnamien
de chasser le colonialisme. Bigeard était célèbre pour ses déclarations à
l'emporte-pièce. Il avait jadis rêvé à voix haute sur une radio de
faire épouser notre camarade Arlette Laguiller par un de
ses paras pour la faire taire. Alors, pour ses cendres, il s'agissait
d'« emmerder la France et le Vietnam ». Mais, le gouvernement vietnamien
ayant refusé cette demande, le ministre français de la
Défense Gérard Longuet proposa qu'elles soient déposées aux Invalides,
sans aboutir.
Qu'un Longuet, aujourd'hui politicien de droite, mais qui a fait ses
classes dans l'extrême droite, ait eu envie de rendre hommage à un
vétéran des guerres coloniales, tortionnaire à ses heures, on
peut s'y attendre. Même aujourd'hui, Longuet ne renie pas sa jeunesse
procolonialiste et anticommuniste.
Mais qu'un ministre socialiste puisse décider de rendre hommage à ce
général tortionnaire, cela ne devrait surprendre que ceux qui ont oublié
que Mitterrand avait reconstitué les retraites des
anciens de l'OAS après son élection en 1981, ou le rôle joué par le
socialiste Guy Mollet et son allié François Mitterrand qui, après s'être
fait élire en 1956 pour faire la paix en Algérie, avaient
au contraire intensifié la guerre en y engageant le contingent.
Cela donna alors l'occasion aux cadres de l'armée, les Massu, les
Bigeard, les Aussaresses, de s'illustrer en 1957 au cours de la bataille
d'Alger : cherchant à anéantir l'organisation nationaliste
algérienne du FLN, ils eurent recours aux arrestations en masse, à la
torture et aux exécutions sommaires, sans pouvoir empêcher finalement
l'indépendance du peuple algérien.
Rendre hommage à Bigeard, c'est rendre hommage à cette guerre
coloniale menée par l'armée française. La gauche gouvernementale
française mena cette politique sans états d'âme, incitant les paras à
agir à leur guise. En proposant un hommage aussi scandaleux, l'année
même où l'on fête le cinquantenaire de l'indépendance algérienne, le
gouvernement socialiste veut-il montrer que, là où même le peu
fréquentable Longuet avait reculé, lui ne recule devant rien ?
Jacques FONTENOY