Le ministre de l'Outre-mer, Victorin Lurel, s'est dit « ému » mais a tenu à
rappeler la nécessité que soit menée à bien la mission confiée à l'envoyé du
gouvernement Hollande chargé de rendre un rapport sur la question de
l'immigration dite clandestine à Mayotte. À en croire cet envoyé, le
gouvernement français n'aurait pas l'intention d'assouplir sa politique
vis-à-vis de l'immigration à Mayotte. L'envoyé du gouvernement a fermement dit
début septembre qu'il ne supprimera pas le visa Balladur, instauré en 1995 et
qui avait mis fin à la libre circulation des personnes entre les îles de
l'archipel des Comores et Mayotte.
Les Comoriens, fuyant la misère en espérant trouver une vie meilleure à
Mayotte, ou ne serait-ce qu'y retrouver leur famille, sont et resteront donc
contraints à devoir faire une traversée au péril de leur vie, comme cela se
passe au large des Canaries ou dans le détroit de Sicile où des dizaines de
Tunisiens viennent encore de perdre la vie. Les migrants savent qu'ils prennent
un risque mortel en s'entassant sur des embarcations de fortune. Ils savent que
pour rentabiliser le voyage les passeurs y entassent toujours plus de gens. Ils
savent que certains passeurs n'hésitent pas à jeter des personnes par-dessus
bord, et même des enfants si leurs cris font courir un risque au pilote de se
faire repérer. C'est dire dans quelle situation de désespoir se trouvent ces
migrants.
Certaines associations estiment que depuis 1995, année de l'instauration du
visa, le nombre de clandestins morts en mer en tentant la traversée vers Mayotte
avoisinerait en fait les 10 000, ce qui correspondrait à 1 % de la population de
l'Union des Comores.
Pour ceux qui survivent aux dangers de la traversée, l'enfer continue une
fois sur le sol français. À Mayotte, ceux qui sont considérés comme étant des
clandestins vivent la peur au ventre. Certains logent dans les bois pour
échapper à la police. Dans des cases d'une seule pièce s'entassent des familles
entières, sans accès à l'eau ni à l'électricité. Ces migrants sont exploités
dans le bâtiment, l'agriculture et les services comme le ménage pour des
salaires de misère. Même aller se faire soigner à l'hôpital, c'est prendre le
risque de se faire arrêter.
La police de Mayotte peut s'enorgueillir d'avoir permis la moitié des
reconduites à la frontière effectuées en France, soit plus de 20 000 par an.
Plus précisément, en 2011, il y a eu 22 405 expulsions, dont 5 385 enfants. Être
mineur, quand bien même on est né à Mayotte mais souvent sans la possibilité de
le prouver puisque la mise en place de l'État civil est récente, n'est pas une
garantie pour éviter d'être expulsé. Sur l'île, cinq mille enfants sont livrés à
eux-mêmes, leurs parents ayant été reconduits à la frontière bien souvent après
avoir purgé une peine dans le centre de rétention administrative de la capitale
Mamoudzou, où les conditions sont extrêmement difficiles.
Le 16 août dernier, un nourrisson de deux mois y a perdu la vie après avoir
été capturé avec sa mère. L'État français porte une lourde responsabilité dans
cette mort. En effet, si Mayotte n'avait pas été exclue de la circulaire
gouvernementale du 7 juillet 2012 recommandant l'assignation des familles de
sans-papiers avec enfant en résidence plutôt que dans les centres de rétention,
cette mort aurait été évitée.
Après ce drame, le ministre de l'Outre-mer n'a rien trouvé de mieux que de
seulement promettre la création d'un deuxième centre de rétention en 2015. Une
honte !
Émile GRONDIN