Nouvelle-Calédonie.
À bas la répression coloniale !
Publié le 26/06/2024
Mercredi 19 juin, onze personnes, figures des mouvements indépendantistes, ont été interpellées par la police française en Nouvelle-Calédonie. Samedi, alors que neuf de ces militants étaient placés en détention, sept d’entre eux étaient transférés dans la foulée, manu militari, à 17 000 km de là, dans des prisons de France métropolitaine, l’État français montrant ainsi qu’il n’a rien oublié de ses vieilles méthodes coloniales.
Les personnes arrêtées sont impliquées dans la CCAT, la Cellule de coordination des actions de terrain, mise en place par les partis indépendantistes pour s’opposer au projet de loi gouvernemental visant à dégeler le corps électoral calédonien. L’État français les accuse de « complicité de tentative de meurtre, de vol en bande organisée avec arme, de destruction en bande organisée du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ». Pas moins !
La CCAT est seulement responsable d’avoir organisé plusieurs manifestations depuis fin 2023, rassemblant contre ce projet de loi des dizaines de milliers de Kanaks et d’Océaniens. Le 13 mai, quand la loi a été votée à l’Assemblée nationale, c’est aussi la CCAT qui a organisé des barrages. Mais, sur le fond, c’est bien le gouvernement qui est responsable de l’explosion de colère qui depuis secoue l’archipel. Cette loi, aujourd’hui suspendue suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, amènerait aux partis anti-indépendantistes des milliers de nouveaux électeurs, ce qui leur permettrait d’assurer leurs positions au sein des institutions de l’archipel, au détriment des partis kanaks et océaniens qui avaient progressé ces dernières années. Elle est le symbole d’une politique coloniale qui vise à rendre toujours minoritaires les Kanaks dans leur propre pays. Elle est révoltante.
Mais si la mobilisation a pris après le 13 mai une telle ampleur, tournant à l’insurrection et aux émeutes, au-delà de ce que la CCAT avait initié elle-même, c’est que la question du dégel du corps électoral n’a finalement été que le détonateur. Il a fait exploser une profonde et légitime colère accumulée au sein de la population kanak et océanienne par des décennies d’oppression coloniale, de discrimination, de racisme.
Depuis le 13 mai, malgré la répression et la présence de 3 500 policiers et gendarmes, malgré l’arrestation de 1 500 personnes – plus de 1 % de la population kanak et océanienne – malgré les appels au calme répétés y compris par les notables kanaks, la mobilisation s’est maintenue. Les barrages sont sans cesse remontés, les affrontements avec la gendarmerie n’ont pas cessé. En imposant ces exils forcés, le gouvernement vient de relancer la révolte et les écoles qui venaient à peine de rouvrir ont dû refermer. Cette fois, la légitime colère des Kanaks semble gagner les provinces du Nord et des Îles Loyauté, où les affrontements et les incendies se sont multipliés depuis samedi.
Qu’après le 13 mai la CCAT ait été ou pas débordée, peu importe au gouvernement français. En arrêtant ses leaders, il entend faire payer aux indépendantistes même modérés le prix de leur opposition à la France coloniale, le fait d’avoir contribué à créer une situation où l’État français s’est retrouvé lui-même débordé, de ne pas avoir été « responsables » vis-à-vis de lui. À la grande satisfaction des partis de la droite locale, proches de la bourgeoisie caldoche, l’État cherche des têtes à couper. Pour les Kanaks, ces éloignements forcés font écho aux déportations organisées dès 1853, après les premières révoltes contre la colonisation française. Ils sont la preuve en tout cas que la Nouvelle-Calédonie est toujours une colonie, et la France, un État colonial.
Serge Benham (Lutte ouvrière n°2917)
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