mercredi 17 mars 2021

« Le jeune parti communiste : du combat pour créer un parti révolutionnaire au stalinisme ». Aujourd’hui (22) : La « bolchevisation » le stalinisme, Un parti ouvrier réprimé

Comme vous le savez, nous n’avons pas pu tenir le Cercle Léon Trotsky qui devait aborder, un siècle après le Congrès de Tours de décembre 1920, la naissance du parti communiste en France. Le texte de cet exposé est néanmoins disponible sur notre site lutte-ouvrière.org. Nous vous le proposons jour après jour en feuilleton sur notre blog « lo argenteuil »

« Le jeune parti communiste : du combat pour créer un parti révolutionnaire au stalinisme »

La «bolchevisation» et le stalinisme

Un parti ouvrier réprimé

Les virages successifs de la direction du Parti communiste, en décalage complet avec l’état d’esprit des classes populaires, l’isolement des militants qui en résultait et la répression qui n’avait jamais cessé au cours de ces années, provoquèrent de nombreux départs et un grand renouvellement dans les rangs du parti. En décembre 1926, un dirigeant parisien du PC estimait que 80 % des 55000 membres du parti étaient nouveaux par rapport à janvier 1925[12]. Cela signifie que l’immense majorité des militants venus au parti depuis sa création l’avaient quitté. Parmi eux, beaucoup restaient des sympathisants, influencés par sa politique, lecteurs réguliers de l’Humanité.

L’engagement qu’il fallait pour être un militant communiste à la fin des années 1920 avait sélectionné des militants déterminés et dévoués, tant à leur classe qu’à leur parti. Ils avaient du courage moral, face à la répression patronale, aux listes noires, aux difficultés matérielles entraînées par des périodes de chômage. Ils avaient aussi du courage physique, face aux nervis des patrons, aux gardes à vue parfois violentes de la police, aux manifestations qui se terminaient bien souvent au poste. En même temps, ces militants avaient appris à obéir sans trop réfléchir et n’hésitaient pas à cogner non seulement leurs ennemis de classe, mais aussi ceux qui les critiquaient à l’intérieur même du mouvement ouvrier. Le coup de poing commençait à remplacer la discussion.

L’exemple de Jules Fourrier est significatif. Orphelin, obligé de travailler depuis l’âge de 13 ans, il adhère au Parti communiste à 21 ans en 1927, parce que, dira-t-il plus tard, «c’était le parti de la cogne». Peintre en bâtiment émigré à Paris, il crée des sections syndicales sur chacun des chantiers où il passe. Refusé sur tous les chantiers et condamné au chômage, il se charge d’organiser les chômeurs. Son activité militante lui vaut plusieurs fois la prison. «Les prisons de la bourgeoisie, nous, on les transformait en universités. Cest en prison que j’ai appris l’histoire du mouvement ouvrier français, en particulier la Commune de Paris. […] C’est en prison que j’ai appris à faire des tracts et à rédiger des articles.[13]» Jules Fourrier sera élu député du 15e arrondissement de Paris en 1936, avant de rompre avec le PC au moment du pacte germano-soviétique.

L’implantation des cellules communistes dans les grandes entreprises du pays était un combat long et difficile, avec des résultats fluctuants. Ainsi chez Renault, dans l’immense usine de Billancourt, la CGT-U animée par des communistes mit des années à s’implanter. Elle y parvint en 1929 de façon clandestine, en créant des groupes de trois cloisonnés entre eux. En 1931, selon les archives du syndicat, la CGT-U comptait 60 adhérents et la cellule du PC 19… pour 18000 ouvriers.

Le courage et le dévouement de dizaines de milliers de militants étaient dévoyés pour une politique aux antipodes des intérêts des travailleurs. Les militants communistes n’étaient pas éduqués à faire confiance aux travailleurs, à les aider à élever leur niveau de conscience, mais à les utiliser comme des masses de manœuvre.

Malgré les errements politiques de sa direction, parce qu’il organisait les travailleurs, le PC restait un corps étranger pour la bourgeoisie française. Tous les prétextes étaient bons pour arrêter ses militants comme ses dirigeants. Albert Sarraut, radical, ancien gouverneur de l’Indochine, ministre de l’Intérieur en 1927, déclarait dans un discours: «Le communisme, voilà lennemi.» Joignant le geste à la parole, il promulgua des lois sécuritaires et multiplia les arrestations de militants communistes. Dans la foulée de la manifestation organisée le 23 août 1927 à Paris contre l’exécution de Sacco et Vanzetti aux États-Unis, 3400 mois de prison furent distribués à des militants communistes, pour atteinte à la sûreté de l’État. Les dirigeants du parti n’y échappèrent pas. En juillet 1929, à l’annonce d’une manifestation internationale contre les menaces de guerre visant l’Union soviétique, des arrestations préventives envoyèrent une centaine de membres de la direction en prison. Le bureau politique se tenait alors à la Santé.

12.    D’après un texte de Souvarine de 1928 cité par Julien Chuzeville dans Un court moment révolutionnaire.

13.    Témoignage dans le film et le livre de Mosco Mémoires d’ex.

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27 août 1927 à Paris

(Demain : La «bolchevisation» et le stalinisme, Dix ans après le congrès de Tours, un parti stalinien)

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