Lubrizol
: pollueur incontrôlé
23 Octobre 2019
Dans la semaine du 21 octobre, le
PDG de l’usine Lubrizol de Rouen doit être entendu par des députés, des
sénateurs et même des ministres. Si tous font mine de s’interroger gravement
sur les causes de l’incendie, personne parmi tout ce beau monde ne pose le
problème de fond du contrôle qu’il faudrait d’autant plus exercer sur ces
entreprises dangereuses.
L’État laisse en réalité les
mains libres aux capitalistes de la pétrochimie pour faire un maximum de
profits, quitte à mettre en danger la santé des travailleurs et des riverains,
voire leur vie. L’incurie des autorités face à la dangerosité des sites pétrochimiques
n’est plus à prouver. En témoigne une fois de plus un rapport de la Chambre de
commerce et d’industrie de Normandie, daté de 2010 et cité par Le Monde,
qui pointait l’insuffisance criante des mesures de sécurité, en particulier
l’absence de formation chez les sous-traitants qui emploient des milliers de
salariés. D’après ce rapport, plus de 90 % des salariés ignoraient les
principes généraux de la prévention, les documents recensant les risques liés
au site où ils travaillaient, le contenu des fiches de sécurité des produits
indiquant leur dangerosité, le maniement des extincteurs, et ainsi de suite.
Comme le souligne un inspecteur du travail de Seine-Maritime, « les
propres constats du patronat sont encore plus alarmants que ceux des
organisations syndicales et de l’inspection du travail ». Mais malgré
de nombreuses alertes, y compris auprès du ministère du Travail, rien n’a été
fait.
Tandis que députés et sénateurs
font semblant d’enquêter, chaque jour apporte son lot de témoignages sur
Lubrizol, comme celui d’un pompier en colère interviewé par le journal : « C’est
la première fois de ma carrière de pompier que je quitte les lieux d’un
incendie en les laissant dans un pire état que celui où je les ai
trouvés. » Il n’y avait pas d’eau dans la borne d’incendie la plus
proche, en travaux, et celle où les lances ont pu être branchées manquait de
pression. Personne ne savait ce qu’il y avait dans les fûts : « il
y avait juste un code-barres pour les identifier. Personne sur place ne savait
non plus que la toiture était en amiante. »
En l’absence d’engin capable de
fabriquer la mousse indispensable pour éteindre un feu d’hydrocarbure, il a
fallu attendre plusieurs heures pour en faire venir un d’un autre département.
Pas de système non plus pour recharger les bouteilles d’air des appareils
respiratoires que, heureusement si l’on peut dire, les pompiers n’ont pas été
contraints de porter. Cependant, les jours suivants, plusieurs d’entre eux ont
eu des nausées, vomissements, migraines, maux de gorge.
Mardi 22 octobre, l’évacuation de
160 fûts, les plus endommagés, a commencé. En tout, il en reste près de
1 400, dont 1 000 qui ont partiellement brûlé. Autant dire que la
situation reste dangereuse. Et on comprend que travailleurs de l’entreprise, pompiers,
riverains déjà victimes de l’incendie, soient toujours inquiets et en colère.
Pierre MERLET (Lutte ouvrière n°2673)
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