Réseau
ferroviaire : obsolescence programmée
28 Août 2019
Un rapport confidentiel de
l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) a été divulgué par Le
Parisien. Il confirme que le réseau ferré national continue de se
dégrader, après quatre décennies d’abandon.
L’EPSF a réalisé une enquête,
entre avril et mai 2019, concernant la maintenance et la sécurité électrique
sur 14 000 km, soit près de la moitié du réseau. Sur 413 anomalies de
signalisation électrique enregistrées par la SNCF pouvant mettre en cause la
sécurité des circulations, l’EPSF révèle que 80 n’ont pas été réparées dans les
délais réglementaires, parfois même au bout d’un an. Ainsi les enquêteurs ont
découvert des fils électriques rongés sur un passage à niveau et laissés en
l’état. Or en 2014, à Denguin, près de Pau, une collision entre un TER et un
TGV avait fait 40 blessés, suite à un défaut de signalisation dû à l’action de
rongeurs sur les gaines d’isolement des câbles, suivant le rapport de la SNCF.
Un cadre cheminot interrogé par le quotidien dit à juste titre : « On
dirait que nous n’avons rien appris de l’accident de Denguin. »
Il en va de même pour l’entretien
des voies. Des centaines d’anomalies ont été identifiées par la SNCF mais n’ont
pas été traitées dans les délais, faute de moyens et d’effectifs. Ainsi, les
enquêteurs ont observé des éclisses, les pièces reliant deux rails, avec des
boulons desserrés. C’est exactement la cause du déraillement de Brétigny en
2013, qui avait fait sept morts et plus de 30 blessés.
Une bonne partie du réseau est
aujourd’hui obsolète en raison des coupes dans les budgets et dans les
effectifs d’entretien depuis plusieurs décennies.
Dès les années 1980, les budgets
de maintenance ont chuté en moyenne de 3 % par an en valeur réelle. Le
nombre de kilomètres de voies renouvelés annuellement était divisé par deux par
rapport aux années 1970. En 2005, un audit de polytechniciens de Lausanne
indiquait que, en continuant à ce rythme, les deux tiers du réseau allaient
disparaître à l’horizon 2025. Réseau ferré de France augmenta ses péages pour
financer l’entretien de l’infrastructure, mais l’État en profitait pour
diminuer d’autant ses dotations. Malgré des décisions de rénovation depuis
2011, le réseau continue de vieillir. Il faudrait embaucher massivement pour
compenser les dizaines de milliers de suppressions d’emplois à l’infrastructure
dans cette même période.
Mais les effectifs continuent de
baisser à SNCF Réseau. En outre, avec le recours de plus en plus massif à la
sous-traitance, à l’éclatement dans des entreprises distinctes, la transmission
de compétences devient de plus en plus problématique.
Pour les usagers, les travaux,
organisés en urgence et à l’économie, signifient bien souvent la fermeture
partielle ou totale de nombreuses lignes pendant plusieurs mois. Et sur 5 600
kilomètres de lignes, plus du quart du réseau, la vitesse est réduite en raison
de l’état catastrophique de la voie.
Non seulement la bourgeoisie
n’investit plus mais, avide d’argent public, elle a dissuadé l’État de le
faire. Encore plus que le réseau ferré, c’est le capitalisme qui est obsolète.
Christian
BERNAC (Lutte ouvrière n°2665)
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