Essais
nucléaires en Polynésie : une reconnaissance hypocrite !
Le Parlement vient de
reconnaître, jeudi 23 mai, que la Polynésie a été « mise à contribution »
par la France dans « la construction de la capacité de dissuasion nucléaire
et à la défense nationale », et que cette « contribution n’était pas
volontaire ».
Ce jargon parlementaire édulcore
la responsabilité écrasante de l’État français qui, de 1966 à 1996, a procédé à
193 essais nucléaires sur les atolls de Mururoa et de Fangataufa, en mentant
sciemment à la population, persuadée de l’innocuité de ces essais. Les
gouvernements successifs ont caché la dangerosité des radiations aux militaires
qui procédaient à ces essais et aux habitants qui venaient même parfois y
assister en famille, comme à un spectacle.
On estime aujourd’hui que 150 000
personnes ont été touchées par les radiations. Dans l’île de Tureia, la plus
proche de Mururoa où avaient lieu les essais nucléaires atmosphériques entre
1966 et 1974, près d’un habitant sur cinq souffre de maladies comme des
cancers, des malformations ou des maladies neuropsychiatriques.
Quant aux conséquences sur la
faune, sur la flore, des scientifiques ont calculé qu’il faudra attendre 240
000 ans pour que les retombées du plutonium, présent dans l’arme nucléaire,
soient complètement neutralisées.
La reconnaissance ampoulée du
Parlement est donc bien tardive et largement insuffisante. D’autant qu’elle ne
se double pas de mesures de réparation. La loi Morin votée en 2010, qui prévoit
les indemnisations des victimes, est en effet très restrictive.
Seuls une trentaine de
militaires, parmi ceux présents sur les lieux, ont été à ce jour indemnisés
après un véritable parcours du combattant. Si un Comité d’indemnisation des
victimes des essais nucléaires (CIVEN) a bien été créé, ce dernier s’ingénie à
refuser aux victimes toute indemnisation. Douze victimes ont ainsi attaqué le
21 mai devant le tribunal administratif de Papeete le CIVEN pour un refus, mais
dix d’entre elles ont été déboutées, au prétexte qu’elles ne pouvaient pas
prouver avoir été exposées à une dose critique de radioactivité. Ainsi, c’est
aux malades que l’on demande de prouver la responsabilité de l’État dans leurs
cancers et autres maladies, alors qu’il est avéré que les essais nucléaires ont
empoisonné l’archipel.
Dans ces conditions, cette
reconnaissance du Parlement a tout d’une mise en scène. Seule une réelle prise
en compte financière et médicale des victimes équivaudrait à un début de
réparation.
Aline URBAIN (Lutte ouvrière
n°2652)
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