lundi 6 mai 2019

1er mai : quand des manifestants pris dans un goulot d’étranglement se sont mis à penser à Charonne


Témoignage d’un proche du 95

 


« Nous sommes arrivés pour la manifestation du 1er mai 2019 par le métro ligne 4, descente à St Placide car les stations suivantes étaient fermées (annonce dans le métro). Nous étions 4 : ma compagne, ma fille de 23 ans, une amie, et moi. Arrivés pile à 14h30 à Montparnasse, nous avons cherché le point fixe de LO mais ne l’avons pas vu. Nous étions surpris de voir que la manifestation avait déjà démarré. Alors nous avons commencé à descendre le boulevard de Montparnasse, par le côté gauche du trottoir. Au niveau de La Rotonde, cela bloquait, les CRS empêchaient les manifestants de passer devant en bloquant toute la moitié gauche du Boulevard. Il fallait donc se déplacer au milieu du boulevard, mais il y avait tellement de monde que l’on piétinait. Sur la moitié droite du Boulevard, il y avait des camions de la CGT, qui avançaient très doucement précisément à cause du monde. Et donc, au compte-goutte, les manifestants passaient ce goulot d’étranglement.
Au-delà de la Rotonde, cela marchait d’un bon pas. Nous ne marchions pas trop vite, ne voulant pas être « en tête » de la manifestation (peur des éventuels Black Block). Au fil du parcours, nous avons remarqué que les flics bloquaient toutes les rues perpendiculaires aux boulevards (de Montparnasse puis de Port Royal), et que certains étaient aussi en « protection » d’autres boutiques comme la Closerie des Lilas. Réflexion de certains manifestants : « ils protègent les lieux fréquentés par les bourgeois ! » ou bien « eh bien, on est ‘content’ de voir à quoi servent nos impôts ». Arrivés aux Gobelins, le parcours n’allait pas directement place d’Italie mais prenait le boulevard St Marcel.
En descendant ce boulevard, on remarquait que les rues sur la droite n’étaient pas bloquées et on voyait des manifestants marcher tranquillement rue des Wallons : c’est pourtant la rue qui mène à la préfecture de police ! Arrivés au bout du boulevard St Marcel, il fallait prendre en épingle à cheveu sur la droite pour remonter le boulevard de l’Hôpital.
Il était un peu plus de 16h. Là, on a commencé à entendre des explosions, et de la fumée. Je me suis mis au milieu du début du boulevard, à peu près au niveau de la caisse d’épargne, et je voyais les grenades lacrymogènes envoyées en hauteur, avec détonations, à peu près au niveau du métro St Marcel (donc au niveau où le boulevard est le plus élevé). Plein de manifestants commençaient à faire demi-tour. La fumée se dissipait, et j’ai vu un fort jet d’eau lancé de haut en bas, depuis le milieu de la voie vers le coté de la voie. Ma compagne voulait partir, mais je voulais comprendre. J’ai alors vu le « camion » avec ses tourelles « canons à eau » avancer. J’ai observé 2 minutes, puis je me suis demandé par où partir. Je regardais vers la rue des Wallons, mais des personnes derrière moi m’ont dit « surtout pas par-là, c’est le commissariat, vous allez être coincés ». Alors on a fait demi-tour, pour reprendre le boulevard St Marcel. Mais évidemment, d’autres manifestants continuaient d’arriver, de descendre le boulevard St Marcel, et donc la confusion a grandi. Et la police a commencé à avancer, en disant par haut-parleur qu’il fallait repartir. Donc il y avait des gens qui arrivaient et ne comprenaient pas ce qui se passait, d’autres (dont nous) qui essayaient de partir, ça piétinait. Ça piétinait de plus en plus, on n’arrivait pas à repartir, c’était de plus en plus serré, et on voulait évacuer au plus vite mais les policiers bloquaient toujours les rues perpendiculaires au Bd St Marcel. Ça commençait à paniquer pour certains (dont ma compagne et ma fille), pour d’autres c’était la colère qui s’exprimait contre les flics qui nous prenaient dans une nasse. « Charonne », voilà à quoi plusieurs (dont moi) ont pensé, et certains l’ont crié aux flics. Les manifestants étaient écœurés, certains ont été à deux doigts de tenter de forcer le passage. Certains disaient tout haut « c’est dégueulasse, là on a été pris par surprise, mais la prochaine fois… ». C’était vraiment de la haine contre les flics. Pour d’autres c’était de la panique, même moi j’ai commencé à prendre peur. A un moment on était remonté au niveau où étaient bloquées les camionnettes de la CGT, je suis allé voir les camarades de la CGT 95 pour leur dire ce qu’il se passait. J’ai même dit à un gars d’Argenteuil que je connais de vue « l’avantage avec votre camionnette, c’est que les flics n’iront pas plus loin, en quelque sorte vous nous protégez d’eux ». Mais je restais inquiet. Pour prendre l’exemple de ceux qui se sont réfugiés à la Pitié, n’importe qui d’autre se trouvant devant cette issue l’aurait empruntée pour se mettre à l’abri. »

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