Témoignage d’un proche du 95
« Nous sommes arrivés pour la manifestation du 1er mai 2019 par le métro
ligne 4, descente à St Placide car les stations suivantes étaient fermées
(annonce dans le métro). Nous étions 4 : ma compagne, ma fille de 23 ans,
une amie, et moi. Arrivés pile à 14h30 à Montparnasse, nous avons cherché le
point fixe de LO mais ne l’avons pas vu. Nous étions surpris de voir que la
manifestation avait déjà démarré. Alors nous avons commencé à descendre le
boulevard de Montparnasse, par le côté gauche du trottoir. Au niveau de La
Rotonde, cela bloquait, les CRS empêchaient les manifestants de passer devant
en bloquant toute la moitié gauche du Boulevard. Il fallait donc se déplacer au
milieu du boulevard, mais il y avait tellement de monde que l’on piétinait. Sur
la moitié droite du Boulevard, il y avait des camions de la CGT, qui avançaient
très doucement précisément à cause du monde. Et donc, au compte-goutte, les
manifestants passaient ce goulot d’étranglement.
Au-delà de la Rotonde, cela marchait d’un bon
pas. Nous ne marchions pas trop vite, ne voulant pas être « en tête »
de la manifestation (peur des éventuels Black Block). Au fil du parcours, nous
avons remarqué que les flics bloquaient toutes les rues perpendiculaires aux
boulevards (de Montparnasse puis de Port Royal), et que certains étaient aussi
en « protection » d’autres boutiques comme la Closerie des Lilas. Réflexion
de certains manifestants : « ils protègent les lieux fréquentés par
les bourgeois ! » ou bien « eh bien, on est ‘content’ de voir à
quoi servent nos impôts ». Arrivés aux Gobelins, le parcours n’allait pas
directement place d’Italie mais prenait le boulevard St Marcel.
En descendant ce boulevard, on remarquait que
les rues sur la droite n’étaient pas bloquées et on voyait des manifestants
marcher tranquillement rue des Wallons : c’est pourtant la rue qui mène à
la préfecture de police ! Arrivés au bout du boulevard St Marcel, il
fallait prendre en épingle à cheveu sur la droite pour remonter le boulevard de
l’Hôpital.
Il était un peu plus de 16h. Là, on a
commencé à entendre des explosions, et de la fumée. Je me suis mis au milieu du
début du boulevard, à peu près au niveau de la caisse d’épargne, et je voyais
les grenades lacrymogènes envoyées en hauteur, avec détonations, à peu près au
niveau du métro St Marcel (donc au niveau où le boulevard est le plus élevé).
Plein de manifestants commençaient à faire demi-tour. La fumée se dissipait, et
j’ai vu un fort jet d’eau lancé de haut en bas, depuis le milieu de la voie
vers le coté de la voie. Ma compagne voulait partir, mais je voulais
comprendre. J’ai alors vu le « camion » avec ses tourelles « canons
à eau » avancer. J’ai observé 2 minutes, puis je me suis demandé par où
partir. Je regardais vers la rue des Wallons, mais des personnes derrière moi
m’ont dit « surtout pas par-là, c’est le commissariat, vous allez être
coincés ». Alors on a fait demi-tour, pour reprendre le boulevard St
Marcel. Mais évidemment, d’autres manifestants continuaient d’arriver, de
descendre le boulevard St Marcel, et donc la confusion a grandi. Et la police a
commencé à avancer, en disant par haut-parleur qu’il fallait repartir. Donc il
y avait des gens qui arrivaient et ne comprenaient pas ce qui se passait,
d’autres (dont nous) qui essayaient de partir, ça piétinait. Ça piétinait de
plus en plus, on n’arrivait pas à repartir, c’était de plus en plus serré, et
on voulait évacuer au plus vite mais les policiers bloquaient toujours les rues
perpendiculaires au Bd St Marcel. Ça commençait à paniquer pour certains (dont
ma compagne et ma fille), pour d’autres c’était la colère qui s’exprimait
contre les flics qui nous prenaient dans une nasse. « Charonne »,
voilà à quoi plusieurs (dont moi) ont pensé, et certains l’ont crié aux flics.
Les manifestants étaient écœurés, certains ont été à deux doigts de tenter de
forcer le passage. Certains disaient tout haut « c’est dégueulasse,
là on a été pris par surprise, mais la prochaine fois… ». C’était vraiment
de la haine contre les flics. Pour d’autres c’était de la panique, même moi
j’ai commencé à prendre peur. A un moment on était remonté au niveau où étaient
bloquées les camionnettes de la CGT, je suis allé voir les camarades de la CGT
95 pour leur dire ce qu’il se passait. J’ai même dit à un gars d’Argenteuil que
je connais de vue « l’avantage avec votre camionnette, c’est que les flics
n’iront pas plus loin, en quelque sorte vous nous protégez d’eux ». Mais
je restais inquiet. Pour prendre l’exemple de ceux qui se sont réfugiés à la
Pitié, n’importe qui d’autre se trouvant devant cette issue l’aurait empruntée
pour se mettre à l’abri. »
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