Saint-Denis
: l’école rattrapée par le pourrissement social
Depuis le début de l’année, des
incidents plus ou moins graves se multiplient dans les établissements scolaires
de Saint-Denis. Le lycée Paul-Éluard est devenu le théâtre de bagarres de
bandes rivales des cités de la ville.
La veille des vacances d’hiver,
un enseignant a été tabassé aux portes du collège La Courtille. Le 12 mars,
jour de la rentrée, une quinzaine d’individus se sont introduits dans le lycée
Paul-Éluard, armés de marteaux et de battes pour frapper un élève. Et le 11 avril
une enseignante du collège Elsa-Triolet a été menacée avec un pistolet à billes
par un élève de 15 ans, extérieur à l’établissement.
Dans les médias, les journalistes
évoquent la violence à l’école, mais ces faits sont surtout les révélateurs
d’une violence sociale endémique dans les quartiers populaires de Saint-Denis.
La dégradation du niveau de vie des classes populaires s’est accompagnée d’une
dégradation des services publics. Ainsi, l’antenne de la Banque de France pour
les surendettés a fermé, la poste, le service de la CAF ou celui des impôts
sont complètement saturés. La CAF ferme souvent ses portes pour traiter les
dossiers en retard.
Avec la fin des contrats aidés et
faute de subventions, de nombreuses associations de quartier ont diminué leurs
activités ou ont fermé leurs portes. Touchées également par une baisse des
subventions, les associations sportives ont dû également réduire leurs
activités. Et elles sont indispensables pour recréer le lien entre les jeunes
des différents quartiers.
Pire, les services qui
s’adressent spécifiquement à la jeunesse connaissent une pénurie de personnel
et de moyens. Il faut aujourd’hui un an d’attente pour une prise en charge dans
un centre médico-psychologique. Pour qu’un enfant de trois ans soit pris en charge,
après avoir été signalé à l’Aide sociale à l’enfance, il faut attendre parfois
deux ans ! Dans ces conditions, les assistants sociaux, déjà en
sous-effectif, ne savent souvent plus vers qui se tourner. Quant à la santé,
c’est aussi le désert. Cette ville jeune de 110 000 habitants n’a qu’un médecin
scolaire. Il faut attendre parfois plus d’un an pour avoir un rendez-vous avec
un orthophoniste. Tout cela aggrave bien sûr l’échec scolaire et le sentiment
d’exclusion d’une partie de la jeunesse.
À cela s’ajoute le chômage, qui
touche de plein fouet les jeunes les moins diplômés. Et il n’est pas étonnant
que, dans ces conditions, le commerce de la drogue y soit florissant : en
quelques années, le nombre de points de deal s’est multiplié dans la ville,
avec pour corollaire la présence d’armes en tout genre et l’aggravation de la
violence.
Alors, l’école que d’aucuns
voudraient « sanctuariser », devient la caisse de résonance de cette
dégradation sociale. Il est évident que le problème dépasse largement celui des
moyens alloués à l’éducation. Mais ce service public, comme les autres, subit
aussi depuis plusieurs années des suppressions de postes. Depuis 2012, au
collège Elsa-Triolet par exemple, les effectifs ont augmenté de 100 élèves
alors que les heures d’enseignement ont diminué de 10 %. Et la loi
Blanquer prévoit encore de supprimer des postes.
Parents d’élèves et enseignants
mesurent bien qu’il faut se battre à un tout autre niveau que celui de
l’école : c’est pourquoi l’idée d’un plan d’urgence pour la Seine-Saint-Denis
est de plus en plus reprise dans les manifestations.
Aline URBAIN (Lutte ouvrière n°2646)
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