Benalla :
une affaire pourrie comme le système
Dimanche 10 février sur France
Inter, le ministre de l’Intérieur, Castaner, a déclaré à propos des derniers
rebondissements du feuilleton Benalla : « Ce n’est pas une affaire
d’État, c’est l’affaire d’un bonhomme qui a fait n’importe quoi et continue à
faire n’importe quoi. » Le gouvernement aimerait bien
circonscrire l’incendie en présentant Benalla comme une brebis galeuse.
Mais ce n’est pas si simple, avec
les derniers enregistrements sonores de la rencontre entre Benalla et Vincent
Crase, les deux faux flics du 1er mai. Diffusés par Médiapart, ils ont eu
l’effet d’une grenade de désencerclement qui a atteint la commissaire
divisionnaire chargée de la protection du Premier ministre. Elle a été obligée
de démissionner, ainsi que son compagnon, un sous-officier présenté comme
membre des forces spéciales, et Ismaël Émelien, qui a annoncé qu’il prenait sa
retraite de conseiller spécial de l’Élysée, officiellement parce qu’il sort un
livre.
On entend dans ces
enregistrements Benalla demander à Crase s’il a bien effacé les sms évoquant le
contrat passé par leur société de sécurité avec un oligarque russe, de
réputation mafieuse – ce qui est un pléonasme –, contrat mis en chantier quand
Benalla occupait encore sa place à l’Élysée. Le parquet national financier
ouvre donc une enquête préliminaire pour corruption, d’autant que, devant la
commission du Sénat, Benalla avait affirmé ne pas connaître le milliardaire
russe.
L’ensemble des enregistrements sent
le soufre, car ils mêlent tout ce petit monde à un niveau ou à un autre de
proximité, voire de complicité, sans oublier Emmanuel Macron, dont Benalla se
vante auprès de Crase d’avoir reçu des sms de soutien après son limogeage
officiel de l’Élysée.
De révélation en révélation,
l’affaire Benalla devient tentaculaire et jette une lumière crue sur le
fonctionnement de l’État et du personnel qui le compose, en particulier dans
les services liés à la sécurité ou à l’armée. Ce n’est évidemment ni une
révélation ni une surprise.
Pour la galerie, pour le bon
peuple, les gouvernants parlent de République, de démocratie, d’une police et
d’une armée qui veillent à la sécurité et aux libertés en toute transparence.
Mais au fond, les affaires Benalla, puisque désormais on ne sait plus très bien
combien il y en a, rappellent que l’État entretient des bataillons de
baroudeurs, d’aventuriers et d’hommes de main. Avec ou sans uniforme, officiels
ou officieux, ils sont à l’image de la classe bourgeoise qu’ils défendent :
sans scrupules ni états d’âme. Alors, Benalla est peut-être une pomme pourrie,
mais la sève qui l’a nourri était déjà bien empoisonnée.
Boris SAVIN (Lutte ouvrière
n°2637)
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