Antisionisme
et antisémitisme : un amalgame à combattre
À chaque fois qu’un acte
antisémite suscite émotion et réprobation, des intellectuels ou des dirigeants
politiques cherchent à assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme. Ils visent
ainsi à disqualifier tous ceux qui critiquent la politique coloniale de l’État
israélien vis-à-vis des Palestiniens.
Les dirigeants du Crif, le
Conseil représentatif des institutions juives de France, une organisation
proche de la droite sioniste, ne ratent pas une occasion de stigmatiser
l’antisionisme qu’ils qualifient d’idée rouge-brune, assimilant l’extrême
droite et l’extrême gauche.
Ils trouvent régulièrement le
soutien de dirigeants politiques au pouvoir. Valls, Premier ministre, avait
évoqué en 2016 lors du dîner annuel du Crif : « L’antisionisme,
c’est-à-dire tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et de la haine d’Israël. »
Macron, recevant Netanyahou à l’Élysée en juillet 2017, avait affirmé : « Nous
ne céderons rien à l’antisionisme, car il est LA forme réinventée de
l’antisémitisme.»
Après les insultes proférées le
16 février contre Finkielkraut, le député LREM Sylvain Maillard a remis le
couvert. Il voudrait proposer une loi transformant l’antisionisme en délit, au
même titre que l’antisémitisme.
Certes, pour échapper à des
sanctions pénales, des antisémites notoires comme Dieudonné ou Soral cachent
leur haine des Juifs derrière la critique du sionisme. Ils ajoutent
l’hypocrisie au racisme. Mais assimiler les deux mots et les deux notions est
une forme de terrorisme intellectuel qui revient à interdire toute critique de
la politique d’Israël. Avec une telle loi, dénoncer la politique des
gouvernements israéliens pourrait exposer à des poursuites.
Il faut rappeler que le sionisme,
la doctrine fondée en Europe par Theodor Herzl en 1897, réclamant la création
d’un foyer national juif, fut très longtemps rejeté par l’immense majorité des
Juifs eux-mêmes. Les Juifs vivant en Europe n’aspiraient pas à construire un
État spécifique mais à vivre sans ostracisme ni oppression dans les pays où ils
étaient nés. Parmi le prolétariat juif particulièrement opprimé d’Europe orientale
ou de Russie tsariste, la perspective d’une révolution sociale au côté de
l’ensemble des exploités, portée par diverses organisations socialistes,
l’emportait largement sur le sionisme.
Le sionisme fut encouragé et
utilisé par la Grande-Bretagne puis les États-Unis pour imposer leur domination
au Moyen-Orient, en s’appuyant sur la minorité juive contre la majorité
arabe. Cependant, même après le génocide perpétré par les nazis, la majorité
des Juifs survivants aspiraient à émigrer aux États-Unis plutôt qu’en
Palestine, et ne s’installèrent dans le futur Israël que parce que l’ensemble
des puissances occidentales les rejetaient.
Lors de la fondation d’Israël, en
1948, les partis sionistes imposèrent leur politique, par les armes, en
chassant les Palestiniens des territoires où ils vivaient depuis des siècles.
Le choix de bâtir un État donnant des droits à une seule communauté, au mépris
des autres, était pourtant loin d’être partagé par tous les Juifs de Palestine.
Les sionistes l’imposèrent, au nom d’une religion que tous étaient loin de
pratiquer, creusant au fil du temps un fossé de sang entre les Palestiniens et
les Israéliens, transformant ces derniers en geôliers de tout un peuple.
Malgré les pressions et la
politique du fait accompli, il reste aujourd’hui en Israël de nombreux
opposants à la politique sioniste des gouvernements successifs, eux-mêmes étant
parfois qualifiés d’antisémites !
Qu’ils vivent en France, en
Israël ou n’importe où sur la planète, qu’ils soient athées, juifs, musulmans
ou autres, les travailleurs n’ont ni patrie ni communauté à défendre, mais des
intérêts de classe à mettre en avant. Et être internationaliste signifie être
opposé à tout nationalisme, le nationalisme sioniste y compris
Xavier LACHAU
(Lutte ouvrière n°2638)
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