Novembre
1918 : la fin d’une guerre qui en annonçait d’autres
Il y a 100 ans, le 11 novembre
1918, à 11 heures, les combats s’arrêtaient sur le front occidental, et les
soldats cessèrent d’entendre le bruit du canon et de craindre pour leur vie. La
Première Guerre mondiale, débutée en août 1914, avait fait 10 millions de morts
parmi les soldats, poussé des populations à l’exode, détruit villes et villages
et miné les sols.
Quelle était la raison de cette
boucherie ? Aujourd’hui encore une partie des historiens se contentent de
l’expliquer par une flambée irrationnelle de nationalismes contraires, comme si
elle n’avait pas été préparée de longue date par les États et leurs institutions,
et attisée par des intérêts et des objectifs économiques bien précis.
Une
guerre préparée et prévisible
L’assassinat de l’archiduc
François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie, et de sa femme par un
jeune Serbe nationaliste, le 28 juin 1914, ne fut que l’événement déclencheur
du mécanisme conduisant à une guerre mondiale. L’Autriche lança un ultimatum à
la Serbie, après avoir eu l’assurance que l’Allemagne se rangeait à ses côtés.
Le gouvernement russe prit contact avec ses alliés, la France et la Grande-Bretagne.
Un mois plus tard, le 4 août, la guerre commençait. Elle allait durer plus de
quatre ans. En mai 1915, après des hésitations, l’Italie entrait à son tour
dans la guerre aux côtés de la France, de l’Angleterre et de la Russie.
La guerre, qui allait s’abattre
sur les peuples européens mais aussi les Américains et les peuples des pays
coloniaux, trouvait son origine dans la rivalité entre les grandes puissances
impérialistes européennes de l’époque, la France, la Grande-Bretagne,
l’Allemagne et l’Empire austro-hongrois. Les États français et britannique
interdisaient l’accès à leurs colonies et à leurs zones d’influence aux
industriels et banquiers allemands. Pour remettre en cause le partage
d’immenses territoires dominés essentiellement par la France et la
Grande-Bretagne, il ne restait plus à l’Allemagne et à son allié
austro-hongrois que la voie des armes.
La Première Guerre mondiale fut
précédée d’années de tensions en Europe. Dès 1905, l’Allemagne et la France se
retrouvèrent au bord de la guerre pour la domination du Maroc. En 1912-1913,
les guerres balkaniques furent un affrontement indirect entre les grandes
puissances, auxquelles les aspirations nationales des peuples de cette région
servirent de prétextes pour défendre leurs propres intérêts.
La
réaction des partis ouvriers
Cette guerre que l’on sentait
venir était au cœur des préoccupations des travailleurs et des partis
socialistes. Mais, après la déclaration de guerre, les partis socialistes
ouvriers, dans leur grande majorité, se mirent au service de leurs États
respectifs, au nom de la défense de la patrie.
Les socialistes français et
belges participèrent directement à un gouvernement d’Union sacrée au côté des
pires adversaires des travailleurs. C’était trahir la classe ouvrière, devant
laquelle ils s’étaient engagés, avant la guerre, à combattre pour empêcher
celle-ci par l’action concertée des ouvriers de tous les pays. Seule une
minorité de socialistes dans les pays impérialistes ainsi que les bolcheviks,
une des deux fractions du Parti socialiste russe, refusèrent de capituler et
maintinrent le drapeau de l’internationalisme. De son côté, le Parti socialiste
italien adopta face à la guerre une attitude de neutralité. Mais, pour Lénine
et les bolcheviks, il s’agissait de transformer la guerre impérialiste en une
guerre de classe, opposant les travailleurs à cette bourgeoisie qui les avait
entraînés dans le conflit, pour la renverser et s’emparer eux-mêmes du pouvoir.
L’année 1917 leur donna raison.
En Russie, la révolution porta au pouvoir les conseils d’ouvriers, de soldats
et de paysans, les soviets. Le pouvoir issu de la révolution d’Octobre annonça
immédiatement sa volonté de négocier la paix, qui fut conclue le 3 mars 1918.
Les événements russes retentirent dans toute l’Europe, où le rejet de la guerre
s’amplifiait.
La vague
révolutionnaire
Après l’entrée en guerre de la
plus grande puissance financière et industrielle, les États-Unis, au côté des
Français et des Britanniques, la défaite de l’Allemagne et de ses alliés était
une question de semaines. La continuation de la guerre, en particulier les
offensives allemandes de juillet-août 1918, apparaissait dans les tranchées,
les ports et les usines d’Allemagne comme un massacre sans espoir alors que les
populations étaient à bout de forces. À partir du mois d’août, les mutineries,
les grèves, les désertions se multiplièrent. Début novembre, les marins de Kiel
refusèrent d’aller au combat. La révolution allemande commençait. L’Autriche,
l’Allemagne et leurs alliés capitulèrent les uns après les autres.
L’armistice de novembre 1918 ne
sonna pas la fin des combats. Amorcée fin 1917, une autre guerre se
poursuivait. Les troupes françaises basées sur le front des Balkans et d’Europe
de l’Est allaient être utilisées pour combattre le pouvoir soviétique et la
révolution qui avait éclaté dans plusieurs pays d’Europe. Mais aussi des
soulèvements au Moyen-Orient. Quant au règlement de la guerre, il se traduisit
par un repartage du monde satisfaisant les ambitions britanniques et françaises
et préparant ainsi la guerre suivante.
Quelle
mémoire ?
Il est beaucoup question, dans
les commémorations officielles de la guerre ou parmi les historiens, de
« travail de mémoire ». Mais jamais au grand jamais, il n’est
question de s’interroger sur les raisons pour lesquelles le système économique
et politique a pu conduire à un tel massacre, à un tel gâchis.
Les deux guerres mondiales n’ont
pas été des accidents ou les conséquences de politiques hasardeuses, mais le
débouché nécessaire des affrontements entre impérialismes rivaux. La phrase de
Jaurès, « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte
l’orage », exprime cette fatalité historique. Elle est toujours
d’actualité et le restera aussi longtemps que le système capitaliste
subsistera.
En développant le militarisme,
les États impérialistes se donnent le moyen non seulement de combattre leurs
propres rivaux, mais aussi d’embrigader leurs populations pour servir leurs
objectifs de rapine. La seule issue pour les populations engagées dans une guerre
impérialiste par leur État est de faire la guerre à la guerre et d’aller
jusqu’à renverser leur propre bourgeoisie.
Les travailleurs, la jeunesse,
doivent se méfier comme de la peste des déclarations patriotiques des
gouvernements et se battre contre les politiques xénophobes et nationalistes
qui peuvent être autant de prémisses de conflits à venir.
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