Maroc :
la mobilisation continue à Jerada
À Jerada au Maroc, la population,
en particulier les jeunes, reste mobilisée à travers des manifestations
régulières depuis l’accident mortel, le 22 décembre 2017, de deux jeunes
mineurs dans un puits de charbon clandestin.
Vendredi 19 janvier, une grève
des commerces de la ville a eu lieu le matin, et une marche de protestation
l’après-midi, avant une nouvelle discussion avec un représentant de l’État. Une
autre marche provinciale, samedi 20 janvier, a réuni des milliers de personnes.
Ce puits de mine appartenait aux
Charbonnages du Maroc, société d’État fermée en 2001. L’exploitation de la mine
avait commencé en 1936, sous protectorat français, et à l’époque tout était
exporté. Mais vers le milieu des années 1990 ses dirigeants ont considéré
qu’elle ne rapportait pas assez et ont fini par la fermer, sans proposer de
réelles alternatives locales.
Les employés ont alors été
indemnisés, mais trop peu pour survivre dans cette région sans travail,
enclavée et reculée dans la montagne. Petit à petit, des anciens mineurs sont
donc retournés dans les puits, ainsi que toute leur famille, sans outils
appropriés, sans casques, sans masques, sans éclairage. En s’introduisant dans
les galeries étroites, et cela pour quelques dizaines d’euros par jour, ils
risquent leur vie et s’exposent à la maladie incurable des mineurs, la silicose.
Depuis l’accident, le
gouvernement a annoncé un plan d’urgence, mais la population ne lui fait pas
confiance et veut des actes. Une centrale électrique qui date de 1971, située
près d’Hassi Blal, autre ville sinistrée, et qui a fonctionné longtemps avec le
charbon de Jerada, vient de voir ses travaux d’agrandissement se terminer. Elle
pourrait créer des centaines d’emplois mais, pour le moment, rien n’a été
annoncé.
En tout cas, la population s’est
organisée pour se faire entendre. Dans plusieurs quartiers de Jerada et dans
les villages alentour, des représentants ont été désignés, soit près de 80
personnes, pour élaborer le cahier de revendications. Des délégués ont ensuite
été choisis pour le défendre à chaque réunion avec les représentants de l’État
ou de la région. Les comités de quartier décident au jour le jour de la
mobilisation.
Les villageois réclament des
emplois sur place et surtout ne veulent plus risquer leur vie dans les mines
clandestines. Ils réclament aussi une diminution radicale des factures
d’électricité et d’eau, et un service de santé assez important pour prendre
vraiment en charge les anciens mineurs, malades à cause des poussières de
charbon.
Les manifestants ont rapidement
pris pour nom le hirak (le mouvement) de Jerada, pour exprimer clairement le
lien de leur mobilisation avec la contestation sociale qui a duré plusieurs
mois dans la ville d’El-Hoceima, située plus au nord-ouest du pays.
D’El-Hoceima à Jerada, le mécontentement a les mêmes causes et, heureusement,
les luttes des uns en encouragent d’autres.
Malika FARES (Lutte ouvrière n°2582)
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