Nous
reprenons ci-dessous la diffusion des extraits du livre « Petrograd
rouge » qui est un exceptionnel témoignage de l’état d’esprit et de
l’organisation des travailleurs de la capitale révolutionnaire, durant ces mois
qui de février 1917 à octobre furent des temps de bouleversement de la
conscience des travailleurs.
«… L’expulsion de l’ancienne
direction n’était que l’aspect négatif de la démocratisation de l’usine.
L’aspect positif, et de loin le plus important, consista en la création de
comités d’usine (Fabzavkom (y),
dérivé de fabrichno-zavodskiyé komitety)
pour défendre les intérêts des ouvriers.
Ils poussèrent comme des champignons pendant les jours vertigineux de la
révolution. L’apparente « spontanéité » de leur apparition est une
illusion d’optique parce qu’existait une longue tradition au sein de la classe
ouvrière russe d’élire des délégués (starosty) pour les représenter face à la
direction. Cette tradition trouve son origine à la campagne où les villageois
étaient habitués à élire un chef. Dans les usines, les starostes représentaient
les ouvriers lors des conflits, mais assuraient des tâches plus prosaïques
comme collecter de l’argent pour acheter du pétrole destiné aux lampes
éclairant les icônes dans chaque atelier. En 1903, dans une vaine tentative de
calmer la colère des ouvriers devant son refus de reconnaître des syndicats
réels, le gouvernement avait cherché à institutionnaliser les starostes comme
forme rudimentaire de représentation ouvrière. Une loi permit donc aux
travailleurs de proposer une liste de candidats à ces postes, parmi lesquels la
direction ferait son choix. Le pouvoir du staroste était strictement limité,
car il ne pouvait pas faire modifier les contrats de travail, ni bénéficier
d’une protection légale C’était une loi que les ouvriers avaient en aversion,
les starostes étant rarement capables de diriger activement les luttes du fait
de leur vulnérabilité à la répression patronale et étatique. Les patrons de
Saint-Pétersbourg ne l’aimaient pas non plus, du fait des perspectives
dangereuses qu’elle ouvrait.
Ce
fut la révolution de 1905 qui fit prendre conscience des immenses perspectives
offertes par l’organisation au niveau de l’atelier. En même temps que la grève
générale se répandait à travers le pays, les starostes et les comités de grève
se développèrent de façon extraordinaire en tant qu’organes d’auto-organisation
et d’auto-expression ouvrière. A l’automne, les « commissions
d’usine » proliférèrent, esquissent de ce que seraient les comités d’usine
douze ans plus tard. Ces commissions commencèrent à prendre en charge tous les
problèmes affectant la vie de l’usine, élaborant des contrats collectifs, (ou
conventions collectives) sur les salaires et supervisant les embauches et les
licenciements. Dans l’imprimerie, on assista à un développement étonnant,
quand, au printemps 1906, des « commissions autonomes » furent créées. Bien que les patrons y participaient,
elles comprenaient, elles comprenaient une majorité d’ouvriers élus par l’ensemble du personnel et étaient
responsables de l’élaboration des règlements internes et de leur application,
ainsi que des embauches et des licenciements. Après 1907, cependant, il ne
restait que très peu de commissions autonomes, de commissions d’usine ou de
starostes en activité. Durant la période réactionnaire qui suivit l’échec de la
Révolution de 1905, les ouvriers jugèrent impossible le maintien d’organes
représentatifs.
Toutefois,
l’expérience revigorante de 1905 ne fut pas oubliée par les militants
ouvriers… » (pages 85-86)
(A suivre)
Meeting
1917, la Révolution russe
Pour
changer le monde, les travailleurs au pouvoir
Vendredi
20 octobre à 20 h 30
Avec Nathalie Arthaud
Palais de
la Mutualité
24, rue
Saint-Victor – Paris 5e
Métro :
Maubert-Mutualité
Entrée libre
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