vendredi 15 septembre 2017

Révolution russe de 1917 Petrograd rouge (V) L'origine de l'organisation des travailleurs dans les usines


Nous reprenons ci-dessous la diffusion des extraits du livre « Petrograd rouge » qui est un exceptionnel témoignage de l’état d’esprit et de l’organisation des travailleurs de la capitale révolutionnaire, durant ces mois qui de février 1917 à octobre furent des temps de bouleversement de la conscience des travailleurs. 

«… L’expulsion de l’ancienne direction n’était que l’aspect négatif de la démocratisation de l’usine. L’aspect positif, et de loin le plus important, consista en la création de comités d’usine (Fabzavkom (y), dérivé de fabrichno-zavodskiyé komitety) pour défendre  les intérêts des ouvriers. Ils poussèrent comme des champignons pendant les jours vertigineux de la révolution. L’apparente « spontanéité » de leur apparition est une illusion d’optique parce qu’existait une longue tradition au sein de la classe ouvrière russe d’élire des  délégués (starosty) pour les représenter face à la direction. Cette tradition trouve son origine à la campagne où les villageois étaient habitués à élire un chef. Dans les usines, les starostes représentaient les ouvriers lors des conflits, mais assuraient des tâches plus prosaïques comme collecter de l’argent pour acheter du pétrole destiné aux lampes éclairant les icônes dans chaque atelier. En 1903, dans une vaine tentative de calmer la colère des ouvriers devant son refus de reconnaître des syndicats réels, le gouvernement avait cherché à institutionnaliser les starostes comme forme rudimentaire de représentation ouvrière. Une loi permit donc aux travailleurs de proposer une liste de candidats à ces postes, parmi lesquels la direction ferait son choix. Le pouvoir du staroste était strictement limité, car il ne pouvait pas faire modifier les contrats de travail, ni bénéficier d’une protection légale C’était une loi que les ouvriers avaient en aversion, les starostes étant rarement capables de diriger activement les luttes du fait de leur vulnérabilité à la répression patronale et étatique. Les patrons de Saint-Pétersbourg ne l’aimaient pas non plus, du fait des perspectives dangereuses qu’elle ouvrait.
         Ce fut la révolution de 1905 qui fit prendre conscience des immenses perspectives offertes par l’organisation au niveau de l’atelier. En même temps que la grève générale se répandait à travers le pays, les starostes et les comités de grève se développèrent de façon extraordinaire en tant qu’organes d’auto-organisation et d’auto-expression ouvrière. A l’automne, les « commissions d’usine » proliférèrent, esquissent de ce que seraient les comités d’usine douze ans plus tard. Ces commissions commencèrent à prendre en charge tous les problèmes affectant la vie de l’usine, élaborant des contrats collectifs, (ou conventions collectives) sur les salaires et supervisant les embauches et les licenciements. Dans l’imprimerie, on assista à un développement étonnant, quand, au printemps 1906, des « commissions autonomes » furent  créées. Bien que les patrons y participaient, elles comprenaient, elles comprenaient une majorité d’ouvriers  élus par l’ensemble du personnel et étaient responsables de l’élaboration des règlements internes et de leur application, ainsi que des embauches et des licenciements. Après 1907, cependant, il ne restait que très peu de commissions autonomes, de commissions d’usine ou de starostes en activité. Durant la période réactionnaire qui suivit l’échec de la Révolution de 1905, les ouvriers jugèrent impossible le maintien d’organes représentatifs.
         Toutefois, l’expérience revigorante de 1905 ne fut pas oubliée par les militants ouvriers… »    (pages 85-86)
                            (A suivre)
 

 
Meeting
1917, la Révolution russe
Pour changer le monde, les travailleurs au pouvoir
Vendredi 20 octobre à 20 h 30
Avec Nathalie Arthaud
Palais de la Mutualité
24, rue Saint-Victor – Paris 5e
Métro : Maubert-Mutualité
                                                               Entrée libre
 

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