Déclaration
de Nathalie Arthaud au soir du premier tour
Communiqué
23/04/2017
Ainsi donc, le deuxième tour de
cette élection présidentielle, celui qui est décisif pour désigner le président
de la République, opposera Marine Le Pen et Emmanuel Macron. D’un côté, la
figure de proue de l’extrême droite, héritière des idées racistes et xénophobes
de son père et de toute une lignée qui remonte aux défenseurs de l’Algérie
française, à l’OAS, voire bien au-delà, et, de l’autre, un serviteur émérite de
la grande bourgeoisie, successivement dans la haute finance et dans la
politique.
Marine Le Pen, cette bourgeoise,
qui se pose en défenseure des pauvres et des orphelins pour gagner des voix du
côté des classes populaires victimes de la crise, servirait sa classe de
privilégiés aussi fidèlement que ses prédécesseurs à l’Elysée, mais de façon
plus autoritaire encore.
Elle a accédé au deuxième tour
avec les votes d’une partie de l’électorat populaire. L’influence
électorale du FN résulte des déceptions légitimes du monde du travail à l’égard
des grands partis de gauche, PS et PC, qui ont prétendu gouverner dans son
intérêt mais qui n’ont cessé de les fouler aux pieds.
Le chauvinisme, la méfiance
envers l’étranger que les grands partis de gauche ont substitués au fil du
temps aux idées de lutte de classe et à l’internationalisme, recyclés de façon
exacerbée par le FN, affaiblissent le monde du travail déjà aujourd’hui. Ils
sèment des divisions mortelles entre Français et étrangers, entre travailleurs
du privé et ceux du public, entre travailleurs en activité et chômeurs.
Je m’adresse aux électeurs du
monde du travail tentés par cette forme ultime d’électoralisme qui consiste à
voter pour le FN sous prétexte qu’il n’a jamais gouverné, pour leur dire :
vous vous affaiblissez vous-mêmes en cherchant l’ennemi du côté de vos frères
de classe d’autres origines. Cela dissimule vos véritables ennemis : ceux
qui siègent dans les conseils d’administration des groupes industriels et
financiers, qui vivent à Neuilly ou dans le 16e arrondissement de Paris et qui
attaquent nos conditions d’existence. Mais, au deuxième tour, on n’en est même
plus là. Voter pour Le Pen, cela peut contribuer à l’installer au pouvoir.
C’est l’ensemble du monde du travail qui le paiera.
Un pouvoir dirigé par Marine Le
Pen foulera aux pieds plus fortement encore que ses prédécesseurs les droits et
les libertés élémentaires du monde ouvrier. Elle affirme déjà qu’elle s’en
prendra aux catégories les plus vulnérables des travailleurs immigrés, puis
mettra en cause leurs enfants même nés en France. Elle s’en prendra aux
syndicats pas assez dociles, aux associations qui lui déplaisent, comme le font
déjà, à leur échelle, les municipalités Front national.
Les travailleurs conscients
doivent rejeter le vote pour Marine Le Pen !
Mais Macron, cet ancien banquier
ministre, est tout aussi un ennemi de la classe ouvrière que Marine Le Pen.
Malgré la brièveté de son passage au gouvernement, il a eu le temps d’en faire
la preuve avec la loi qui porte son nom et qui étend le travail du dimanche et
avec la loi El Khomri qu’il aurait voulu plus dure encore.
Au premier tour, il a été, avec
Fillon, celui qui annonçait son intention de supprimer des postes dans les
services publics, alors même que le chômage est déjà catastrophique et que les
services publics, du système hospitalier à l’éducation, se dégradent faute de
personnel et de moyens.
Emmanuel Macron se posera en
rempart contre le FN. C’est un mensonge. Dévoué qu’il est aux intérêts des
classes possédantes, il ne fera rien contre la colère qui monte dans les
classes populaires et que détourne Marine Le Pen. Le FN ne pourra que se
renforcer avec Macron comme président.
Fillon ayant été éliminé, il
appelle avec la plupart de ses comparses à voter pour Macron. Le PS, de son
côté, s’aligne sur la droite.
Pour notre part, nous ne
participerons à aucun front républicain réunissant des politiciens de la droite
extrême filloniste avec le PS.
Pour ma part, je voterai blanc en
donnant à mon vote le sens d’un rejet de Marine Le Pen sans cautionner Emmanuel
Macron.
Je ne suis pas propriétaire des
votes qui se sont portés sur mon nom au premier tour. Une partie de mes
électeurs voteront comme moi, en votant blanc. D’autres voteront ou nul, en
portant sur leur bulletin de vote une expression de leur protestation. D’autres
s’abstiendront. Certains choisiront peut-être de voter en faveur de Macron en
croyant, à tort, qu’ils s’opposent ainsi à la montée du FN.
L’essentiel est de prendre
conscience que, quel que soit le résultat du vote, les exploités, les
retraités, les chômeurs, auront un ennemi à l’Élysée. Ils ne pourront se
défendre face au grand patronat qui, avec l’aide du gouvernement, s’en prendra
de plus en plus violemment à leurs conditions d’existence, qu’en se retrouvant
ensemble, demain, dans l’explosion sociale que la rapacité patronale finira par
susciter.
Je remercie de leur confiance
celles et ceux qui m’ont apporté leur soutien et leurs suffrages et ont exprimé
ainsi leur conscience d’appartenir au camp des travailleurs.
Ces électrices et électeurs
constituent une minorité dans l’électorat. Mais ils ont contribué à ce que se
manifeste, à l’occasion de cette présidentielle, le courant communiste.
C’est-à-dire le courant du mouvement ouvrier qui se revendique de la continuité
avec ce que les expériences des luttes du passé ont produit de meilleur, de
plus accompli : les idées communistes. C’est-à-dire la détermination non seulement
de défendre les intérêts quotidiens du monde du travail dans le cadre de
l’organisation capitaliste de la société, mais, plus encore, d’œuvrer pour son
renversement par l’action collective consciente des travailleurs.
Cette minorité entretient cette
petite flamme qui représente plus d’espoir pour l’avenir de l’humanité que
toutes les flambées électorales susceptibles d’allumer de faux espoirs avant de
s’éteindre à l’épreuve de la réalité du pouvoir, c’est-à-dire de la dictature
des grands groupes industriels et financiers sur la société.
Le camp des travailleurs, pèse
peu dans les urnes. Il n’en sera pas de même lorsque le monde des exploités se
mettra en mouvement pour défendre ses intérêts de classe. Toutes ces femmes et
tous ces hommes pourront alors former autant de noyaux dans les entreprises,
dans les quartiers populaires, autour desquels pourront se regrouper bien
d’autres à la recherche d’idées et de mots d’ordre.
Nos idées ont porté bien au-delà
de ce qui ressort des résultats dans les urnes. L’illusion du « vote
utile » étouffe la prise de conscience naissante. Mais la vérité finira
par se frayer un chemin pour cette raison fondamentale que les idées de lutte
de classe sont le reflet de la réalité sociale. Et cette réalité, la crise économique,
et la menace de son aggravation par un nouveau krach financier pousseront
inévitablement le grand patronat à mener une guerre de plus en plus violente
contre les exploités. Quel que soit le président, la classe capitaliste
continuera à réduire encore les salaires, à rendre le travail toujours plus
flexible, à aggraver le chômage et la précarité.
Au-delà de la défense de ses
conditions d’existence, s’impose la nécessité pour la classe ouvrière de
renouer avec son combat séculaire pour mettre fin au capitalisme qui, dans sa
décadence, fait reculer la civilisation humaine. Par les guerres qu’il
multiplie et le terrorisme qu’il suscite, il pousse l’humanité vers la
catastrophe.
Les idées que nous avons semées
aujourd’hui trouveront leur signification lorsque le monde ouvrier se mettra en
mouvement pour refuser l’insupportable.
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