Maroc :
Mi Fatiha, martyre de la dignité
À Kenitra, ville portuaire et
industrielle du Maroc, une vendeuse ambulante s’est immolée par le feu après
avoir été humiliée et molestée par les autorités locales. Ce drame, révélateur
de la façon dont les plus pauvres sont écrasés, a ému bien au-delà de la ville.
Mi
Fatiha (Mère Fatiha) était une vendeuse ambulante de crêpes dans un quartier
populaire de Kenitra. Veuve, elle survivait avec sa fille grâce à ce petit
boulot, ne gagnant, selon ses proches, qu’une trentaine de dirhams (3 euros)
par jour. Le 9 avril, avec les autres vendeurs ambulants, elle était harcelée
par les agents de la mairie d’arrondissement, comme c’est fréquemment le cas.
Elle s’est alors vu confisquer sa marchandise, a été giflée et poussée à terre
quand elle a protesté. Après avoir essayé en vain de récupérer sa marchandise,
elle est allée chercher un liquide inflammable et, dans un geste désespéré,
s’est immolée par le feu devant la mairie.
Brûlée
au troisième degré, Mi Fatiha a été emmenée à l’hôpital de Kenitra, mais il
n’était pas équipé pour traiter ces brûlures graves, le Maroc ne disposant que
de deux centres pour cela, l’un à Meknès, actuellement fermé pour maintenance,
l’autre à Casablanca. Le lendemain, elle était transférée au CHU de Casablanca
dans un état très grave, et décédait le surlendemain.
Ce
drame a suscité l’indignation et la colère parmi les vendeurs ambulants et les
militants progressistes de Kenitra, qui ont organisé un sit-in devant la mairie
d’arrondissement pour réclamer l’ouverture d’une enquête et la punition des
responsables. Puis la réaction s’est élargie par l’intermédiaire des réseaux
sociaux, où a été lancée la campagne « Nous sommes Mi Fatiha ».
Le
ministre de l’Intérieur a alors lancé une enquête judiciaire, puis a rapidement
révoqué deux fonctionnaires impliqués et suspendu le maire d’arrondissement de
ses fonctions. Cela suffira sans doute à calmer le jeu pour cette fois, mais
cela ne diminuera pas la colère devant le comportement des autorités face aux
plus pauvres.
Valérie FONTAINE (Lutte ouvrière n°2491)
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