Lanceurs
d’alerte : à bas le secret des affaires !
Pour avoir révélé un détournement
fiscal à grande échelle vers le Luxembourg, Antoine Deltour risque des années
de prison et plus d’un million d’euros d’amende. Et cela même si les faits
qu’il a dénoncés sont reconnus comme vrais par tous, à commencer par les
gouvernements concernés. Mais le crime qu’on lui reproche est d’avoir violé le
secret professionnel et le secret des affaires pour faire connaître une vérité
qui gêne les grandes sociétés.
De
nombreux « lanceurs d’alerte » comme lui ont dû faire les frais de
l’acharnement des entreprises dont ils dénonçaient les pratiques. Celles-ci
peuvent s’appuyer sur des bataillons d’avocats et d’hommes de loi pour
contraindre le récalcitrant au silence en le menaçant de procès sans fin, et de
toute façon la moindre des sanctions est le licenciement. Ainsi Stéphanie
Gibaud, ancienne cadre de la banque UBS qui avait dénoncé en 2009 un scandale
de fraude fiscale de sa société pour faire passer en Suisse l’argent de riches
clients, a passé sept ans de sa vie à se battre contre son employeur. Harcelée,
puis licenciée, elle n’a pas retrouvé de travail dans le secteur, étant
désormais sur la liste noire.
Ce
secret n’épargne aucun secteur de la société capitaliste. Dans le domaine de la
santé par exemple, la docteur Irène Frachon, qui révéla les centaines de morts
causées par le Médiator, a rappelé comment le cardiologue marseillais qui le
premier avait pris conscience du problème avait été contraint au silence
pendant de longues années par le laboratoire Servier. Lorsqu’il parla, il fut
attaqué en diffamation, ainsi qu’un journaliste de l’émission Envoyé spécial
qui avait dénoncé la stratégie d’intimidation exercée par Servier.
La
loi du silence est une des règles de la société capitaliste pour tout ce qui se
passe à l’intérieur des entreprises. Elle permet de faire du profit à tout
prix, en vendant des médicaments dangereux ou en plaçant des dispositifs
d’évasion fiscale, en truquant les tests sur les voitures ou en camouflant la
composition d’un aliment vendu en grande surface. Mais elle permet aussi
d’interdire aux travailleurs l’accès aux comptes de leur entreprise afin de
justifier des licenciements ou de leur cacher des fermetures d’usine prévues
des années à l’avance. Elle permet, plus généralement, de camoufler
l’exploitation des travailleurs.
Pour
le plus grand bien de la société, il faudrait mettre fin à ce secret des
affaires qui ne sert que les capitalistes. Tous les travailleurs pourraient
alors être des « lanceurs d’alerte ».
D. M. (Lutte ouvrière n°2491 à paraître)
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