Iran :
les femmes ne plient pas.
Publié le 18/09/2024
Deux ans après la mort de Mahsa
Amini sous les coups de la police des mœurs iranienne, et malgré la répression
impitoyable contre la révolte déclenchée par cet assassinat, le régime de la
République islamique n’a pas réussi à briser les femmes qui refusent de se
soumettre.
Dimanche 15 septembre, pour
commémorer le début de ce mouvement Femme, vie, liberté, 34 femmes du
quartier des femmes de la prison d’Évin près de Téhéran, où des milliers de
prisonniers politiques sont détenus, ont entamé une grève de la faim « contre
les politiques oppressives du gouvernement ». Elles ont enregistré et diffusé
vers l’extérieur des chants et des messages de lutte affirmant « Nous tiendrons
bon jusqu’au bout » et « Nous refusons de plier » !
Certaines de ces femmes,
militantes syndicales, avocates, comme Sepideh Qolian, journalistes ou
démocrates, comme la défenseure des droits de l’homme et prix Nobel de la paix
2023 Narges Mohammadi, ont été jetées en prison bien avant la révolte de 2022,
suite à des grèves, des actions politiques ou des prises de position hostiles
au régime. D’autres les ont rejointes au cours de ces mois qui ont ébranlé le
régime, entre septembre 2022 et le printemps 2023.
Plus de 14 000 personnes,
femmes et hommes, issues des classes populaires comme des milieux intellectuels
ou artistiques, avaient alors été arrêtées, certaines condamnées à mort et
exécutées. Quelque 500 manifestants avaient été abattus par la police,
dans la rue ou dans les commissariats. Si cette répression massive a arrêté les
actions collectives, la contestation n’a jamais cessé.
Encore aujourd’hui, surtout à
Téhéran, des femmes continuent de sortir tête nue, dans la rue, le métro et
d’autres lieux publics. Elles bravent avec un grand courage la police des mœurs
qui a repris ses rondes, s’exposant à des amendes, à la perte de leur emploi
mais aussi à des arrestations, des tabassages et des procès.
Si les reportages faits en Europe
parlent surtout des milieux de la petite bourgeoisie tournée vers l’Occident,
la haine contre le régime est partagée dans les classes populaires. En plus de
l’absence de liberté d’expression, celles-ci sont confrontées aux pénuries et à
la vie chère engendrées par l’embargo américain et les monopoles que s’arrogent
les dignitaires du régime, aux salaires impayés ou bien trop faibles pour payer
le nécessaire.
Cette défiance s’est exprimée
lors de l’élection présidentielle anticipée qui s’est tenue les 28 juin et
5 juillet, après la mort accidentelle du conservateur Ebrahim Raïssi.
Massoud Pezeshkian, le candidat dit réformateur a été élu, mais plus de 60 %
des électeurs ont refusé de se déplacer, dénonçant avec leurs pieds la
mascarade électorale organisée par le régime. Dernièrement, Pezeshkian s’est
senti obligé d’annoncer que la police des mœurs « ne dérangera plus les
femmes » et qu’il va « alléger les restrictions sur Internet » qui
est en réalité surveillé, de nombreuses applications étant inaccessibles depuis
deux ans.
Ces promesses, même mensongères,
montrent que la mobilisation de la population, et en particulier de la jeunesse
et des femmes, se maintient et gêne le régime.
Xavier Lachau (Lutte ouvrière
n°2929)