Le journal L’Humanité a fait paraître jeudi 9 août
une tribune libre de membres du Comité Jean Vilar. N’ayant pu copier celle-ci
sur le site du quotidien, je rapporte ci-dessous une de ses dernières moutures
que j’avais archivée. Il ne doit pas y avoir de grande différence entre ce texte
et celui qui a été publié jeudi. En tout cas, c’est bien volontiers que nous le
faisons. DM
A Argenteuil :
La
culture du béton contre l’Impressionnisme.
« Notre pays cultive la passion du patrimoine,
de l’histoire », disait Rostand,
de l’Académie Française. Il faut croire que la majorité des élu·e·s
municipaux d’Argenteuil résiste à cette
culture : pour cette municipalité et des promoteurs, la culture du béton
l’emporte sur l’Impressionnisme.
Argenteuil
avait été dotée d’une gare ferroviaire dès 1863, ce qui a permis son
développement industriel. Les ouvriers
prenaient le train depuis Paris. Ils ont vite été suivis par les peintres
impressionnistes : Monet à Argenteuil face à la gare, où sa maison est toujours
debout, et Caillebotte à Gennevilliers de l’autre côté du pont, et leurs
invités de Sisley à Renoir… ont fait la célébrité mondiale de la ville.
Argenteuil,
lieu de loisirs pour les Parisiens, avec ses
nombreuses guinguettes, son ancienne île transformée en promenade, ses
régates chères à Maupassant, ouvre le
premier port du Club du Cercle de la Voile de Paris. Gustave Caillebotte
et son frère s’y inscrivent en 1876.
C’est à Argenteuil qu'a été créée l'association des
peintres impressionnistes, le 27 décembre 1873. Argenteuil a aussi sa
place dans l’histoire du cubisme : Georges Braque y est né en 1882. Et
début 1907, Maurice de Vlaminck remarque dans un café d’Argenteuil, et achète
au patron, trois figurines
africaines qu’il cède ensuite à André
Derain, qui les montre à Picasso : elles lui inspirent les
« Demoiselles d’Avignon ».
Cette culture, ce patrimoine de
paysages chers à Monet et à ses amis, sont mis en péril par un projet
immobilier sur l’ancienne île d’Argenteuil, par ailleurs inondable.
Alors
que les plantations de l’île ont été récemment reconnues comme « ensemble
arboré remarquable » par
l’association A.R.B.R.E.S, elles seraient abattues sur la surface du projet.
La
salle des fêtes municipale Jean Vilar, inaugurée en 1971 sur cette même île et
très chère aux Argenteuillais, accueille de multiples manifestations : un salon
du livre des lecteurs, la foire des « Cinglés du cinéma », un salon
numismatique… Elle serait détruite et remplacée par une salle de spectacles privée,
que la Ville devrait louer ensuite au promoteur pour ses événements locaux.
L’intérêt
de l’opération pour le promoteur réside dans la construction de 156 logements…
en zone inondable, sur les remblais de l’ancien bras de Seine. Il y ajouterait
un centre commercial à 400 mètres de celui du centre ville, et un multiplexe à
400 mètres du cinéma municipal.
Ce
multiplexe, tour sans fenêtres de 45 mètres, équivalent à 14 étages, serait le
nouveau signal pour entrer dans la ville de Monet ?
Les
Argenteuillais ne le voient pas ainsi.
Une
association, le Comité Jean Vilar, s’est créée pour rejeter cette hérésie
immobilière et proposer une alternative. Déjà 7000 Argenteuillais, fiers de l’histoire de leur
ville, ont signé sa pétition. Ils souhaitent être soutenus dans leur désir de protéger et de faire connaître leur
patrimoine, leur bien commun qui est aussi celui du peuple français et de
l’humanité.
La
municipalité n’a pas donné suite aux demandes de référendum local, de
concertation publique ou d’un simple rendez-vous.
« La
culture, c’est le trésor accumulé des créations humaines », rappelait Louis
Aragon en 1966. Argenteuil a trop apporté à ce trésor pour accepter qu’il soit
ainsi méprisé.
Comité Jean Vilar, Argenteuil