Le
Mondial et le piège de l'unité nationale
Il aura été difficile d’échapper
au battage médiatique autour de la victoire des Bleus en Russie. Ces joueurs
ont certes du talent, et la composition de l’équipe de France, avec ses Mbappé,
Pogba et Umtiti, ses enfants d’immigrés camerounais, algériens, guinéens,
maliens ou haïtiens, devrait rabattre leur caquet à tous ceux qui nous
expliquent que les migrants sont un danger. Plus de la moitié des 23 joueurs
français sont d’origine africaine. Et encore, nous ne saurons jamais combien de
talents potentiels sont morts en Méditerranée, se heurtant aux murailles
érigées par les pays riches comme la France.
Sans avoir joué une seule minute,
de nombreux politiciens aimeraient bien tirer profit de ce succès. Macron
s’est placé au centre de la photo, espérant ainsi regagner quelques points de
popularité, alors que ce président des riches est de plus en plus rejeté par le
monde du travail. Et tant d’autres, qui ne retiennent pas leurs coups quand il
s’agit d’attaquer les travailleurs, tentent de faire vibrer la corde
patriotique.
Certes, le football est un jeu et
une occasion de faire la fête. Mais les symboles comme le drapeau tricolore et
la Marseillaise ne sont pas neutres. Aujourd'hui utilisés pour célébrer une
victoire sportive, ils l’ont été jadis pour les guerres coloniales et tant
d’autres exactions. Le patriotisme a toujours été un piège utilisé par les
pires ennemis des travailleurs et il servira encore, demain, pour tenter de
nous unir derrière les capitalistes français, contre les travailleurs d’autres
pays.
À partir du succès d’une équipe
de foot, Macron, les politiciens et les grands médias voudraient nous
convaincre que tous les Français sont dans le même bateau. Ils aimeraient faire
disparaître les oppositions sociales et politiques. Tous unis, vraiment ? Unis,
les smicards et les milliardaires, dont les fortunes ont encore atteint des
records ? Unis, les cheminots et le gouvernement, qui démantèle leur statut
pour s’attaquer à tous les travailleurs ? Unis, les personnels des hôpitaux et
ceux qui les soumettent à de terribles restrictions ? Unis, les capitalistes
comme Carrefour, sponsor de l’équipe de France, et les 2000 salariés qu’il veut
licencier ?
Le foot est un business dans
lequel on dépense « un pognon de dingue ». On critique les sommes exorbitantes
empochées par certains joueurs. Mais si certains d’entre eux gagnent des
millions, c’est en partie grâce à leur travail et à leur talent. En revanche,
les sponsors, les grands médias, les équipementiers touchent le jackpot sans
marquer le moindre but. Dimanche soir, à 360 000 euros la demi-minute de
publicité, TF1 pouvait être heureux de la victoire… du Dieu pognon.
En Italie, un syndicat d’une
usine de Fiat a dénoncé le fait que la Juventus de Turin, qui appartient à la
famille Agnelli, propriétaire de la firme automobile, venait de débourser 100
millions d’euros pour acheter Cristiano Ronaldo. Le décalage entre les sommes
disponibles pour un transfert et les menaces de licenciement qui pèsent sur les
ouvriers de Fiat est en effet révoltant.
Les politiciens utilisent le football
pour faire passer leurs coups bas. En Russie, Poutine a profité du Mondial pour
augmenter la TVA et retarder l’âge de départ à la retraite de huit années pour
les femmes et de cinq années pour les hommes, interdisant les manifestations
dans les villes où se tenaient les matchs, sans pouvoir totalement les
empêcher.
Ici, après avoir célébré la
victoire des Bleus, Macron et son gouvernement vont poursuivre leur sale
besogne. Ils veulent s’attaquer aux régimes de retraite et aux aides sociales
et, entre autres, prélever un milliard d’euros sur les aides personnalisées au
logement. Même les handicapés sont ponctionnés. Le gouvernement veut supprimer
100 000 emplois aidés cette année, et 120 000 emplois publics d’ici 2022. Quant
aux capitalistes qui affichent leur logo dans les stades et sur les écrans, ils
vont continuer à produire plus avec toujours moins de salariés, toujours plus
exploités, pour gaver des actionnaires toujours plus riches.
Comme en 1998, après la fête, les
réalités sociales nous rattrapent. Le Mondial terminé, les problèmes des
travailleurs, des chômeurs, des jeunes condamnés à la précarité et des
retraités sont intacts. La guerre sociale continue et nous impose de nous
battre pour défendre nos intérêts de travailleurs. Il faut mener cette lutte
contre les capitalistes, contre les Macron et contre tous ceux qui parlent
d’unité nationale pour mieux gouverner au profit des plus riches.