Mitterrand,
idole de Mélenchon : comment ressusciter les illusions ?
À l’occasion de l’anniversaire
de la mort de François Mitterrand, Jean-Luc Mélenchon a tenu à exprimer toute
son admiration pour l’ancien président socialiste, cherchant surtout à
convaincre que, malgré le discrédit de la gauche actuelle, « parvenir au
pouvoir peut permettre de changer la donne ».
Pour convaincre que « Mitterrand l’a prouvé »,
Mélenchon réécrit l’histoire, celle de l’arrivée de la gauche au pouvoir en
1981, prétendant : « Les riches ont
eu si peur en 1981 ! On a nationalisé
toutes les banques ! »
La vérité est qu’à l’époque la très grande majorité des
patrons savaient parfaitement à quoi s’en tenir sur Mitterrand, connu pour son
passé d’homme politique proche du régime de Vichy, son rôle en tant que
ministre dans la répression de militants nationalistes durant la guerre
d’Algérie.
Si Mitterrand suscita un espoir dans la classe ouvrière,
celui-ci se transforma vite en déception. La retraite à 60 ans fut certes
adoptée en 1981, mais elle existait alors déjà dans bien des entreprises. Si sa
généralisation représenta un progrès incontestable, elle ne fut pas une
révolution. Quant aux nationalisations, que Mélenchon présente comme une mesure
quasi révolutionnaire, elles ne firent pas trembler les patrons. En effet les
actionnaires des entreprises et des banques nationalisées furent largement
indemnisés. Cet argent frais leur permit de spéculer en Bourse. Ce fut le
début, comme l’a dit un ministre socialiste, Bérégovoy, de « la réconciliation du socialisme avec la Bourse ».
En revanche, quelques mois seulement après l’arrivée au
pouvoir du gouvernement de gauche, la rigueur s’abattit sur les travailleurs.
En juin 1982, les salaires furent bloqués. Un an plus tard, en 1983, ce fut
l’instauration du forfait hospitalier. Face à l’explosion du chômage, non
seulement le gouvernement de gauche ne fit rien pour empêcher les
licenciements, mais il continua à déverser des milliards de cadeaux au patronat
licencieur. Ainsi, Mitterrand et son Premier ministre Mauroy versèrent plus de
dix milliards de francs aux patrons de la sidérurgie. Il y eut des
licenciements massifs dans ce secteur, comme dans celui de l’automobile. Lors
des grèves qui éclatèrent à Peugeot en 1983 contre les 1900 licenciements chez
Talbot à Poissy, le gouvernement fit envoyer les CRS. Dans les secteurs
nationalisés, les travailleurs, à qui les militants syndicaux et politiques avaient
expliqué qu’ils étaient protégés, subirent également des licenciements massifs
et des fermetures d’usines.
Ces espoirs déçus contribuèrent à démoraliser les
travailleurs et les milliers de militants, ceux du Parti communiste et de la
CGT en particulier, qui avaient défendu ce gouvernement et qui avaient dû
rendre des comptes auprès de leurs camarades de travail quand celui-ci avait
montré son vrai visage de défenseur des intérêts des possédants. Le PCF allait
le payer par la réduction de son influence électorale, que Mitterrand allait
pouvoir mettre à son actif. « Évidemment, quand vous avez sous les yeux un
François Hollande, vous pouvez vous dire que l’arrivée au pouvoir de la gauche
ne change rien et que le résultat peut même être pire qu’avec la droite. (…).
Ce n’est pas vrai », a affirmé Mélenchon. Face à la déception engendrée par
la politique du gouvernement Hollande, lui et les autres dirigeants de son
courant voudraient redonner cours à l’illusion d’une possible alternative de
gouvernement de gauche. Ne pouvant se raccrocher à Hollande, ils vont chercher
plus loin dans le passé et y trouvent… Mitterrand. Eh bien, ce n’était pas
mieux. Comme chaque fois que des socialistes sont arrivés au gouvernement, cela
a été pour mener la politique antiouvrière réclamée par les patrons. Il est bon
de le rappeler.
Aline RETESSE